Les nouvelles perspectives pour l’Université française en Arménie se précisent

Arménie francophone
28.10.2019

Interview avec M Jean-Marc Lavest, recteur de l’Université française en Arménie (UFAR)

Par Zara Nazarian

LE COURRIER D’EREVAN. M le Recteur, commençons par l’actualité liée à la rentrée 2019 à l’UFAR…

Jean-Marc LAVEST. La première chose qu’un recteur regarde à la rentrée, ce sont les effectifs. Alors, cette année, nous avons 382 inscrits en première année de l'UFAR, ce qui est un chiffre jamais atteint par l'Université, à tel point que pour la réunion de la rentrée, je ne savais pas si je pouvais installer tout le monde dans une même salle pour leur dire un mot de bienvenue… Je pense que cela transcrit un véritable intérêt qu’ont beaucoup de jeunes envers ce qui est en train de se passer dans cette université déjà actuellement, mais surtout, envers l'évolution de l'université qui est en train d’arriver. 

Le deuxième élément qui a attiré mon attention, c'est que presque 20% des étudiants venaient des provinces, ce qui est une véritable rupture par rapport à ce qu'on avait l'habitude de voir. En fait, depuis deux ans, on a une véritable énergie à aller visiter les écoles arméniennes un peu partout dans les régions d’Arménie, et je crois qu'aujourd’hui, il y a une bien meilleure connaissance qu'il n'y avait auparavant sur ce que c'est que cette université, quelles sont ses mécanismes, ses valeurs, etc. 

 

CDE. Et qu’est-ce que le suivi des trajectoires des étudiants déjà diplômés montre-t-il en matière de leur insertion professionnelle ? 

J.-M.L. On a publié sur notre site les dernières statistiques d'insertion des diplômés de l'UFAR. Sur l'enquête 2019, je crois qu'on a 5% des étudiants qui sont en recherche d'emploi, ce qui veut dire que tous les autres sont soit au travail, soit en poursuite d'études accompagnée d’un travail. Donc on continue à avoir des taux d'insertion très élevés, plus de la moitié des étudiants sont au travail avant même d'avoir terminé leur diplôme ! C'est un élément extrêmement important pour moi, puisque dans une université de la taille de celle de l'UFAR, dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, le premier indicateur d’une université, c'est l'employabilité.

Cela reprend ce que je dis toujours : pour moi, quand un étudiant rentre dans une université, il y a un contrat qui est signé. C'est un contrat moral entre l'université, l'étudiant et sa famille : l'université qui est là pour produire de la connaissance, faire progresser l'étudiant dans son parcours professionnel, l'étudiant qui est là pour apprendre, la famille qui finance et souhaite ainsi donner toutes les chances possibles à l'étudiant de pouvoir devenir un citoyen arménien et réussir. C'est un vrai contrat, et pour moi, le contrat est rempli non pas quand on donne le diplôme, mais quand ce diplôme se traduit par un emploi en Arménie.

On voit d’ailleurs de plus en plus arriver les anciens diplômés de l'Université qui veulent venir enseigner dans cet établissement : avec déjà une dizaine d'années d'expérience, ils souhaitent commencer à faire profiter aux jeunes étudiants de leur retour de l'expérience. C'est très intéressant, ce sont généralement de très bons dossiers d’enseignement.

 

CDE. Quelles sont les questions les plus importantes sur lesquelles vous allez vous pencher au cours de cette année académique ?

J.-M.L. L'année 2019-2020 est une année où on a beaucoup de choses à faire. On a des dossiers importants et très techniques : il faut qu'on passe une accréditation de l'établissement, et on veut faire une accréditation conjointe avec les agences d'accréditation françaises et arméniennes. C'est un gros dossier qui devrait être clos en septembre 2020 mais qui va nous occuper toute l'année.

Après l’accréditation, peut-être le plus important actuellement, cela va être de continuer à avancer et de finaliser la construction du nouveau campus de l'UFAR. C'est un dossier qu'on instruit depuis déjà plusieurs années. Je rappelle des moments importants : une présentation globale du dossier au moment du CCAF (Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, NDLR) en janvier 2019, un patronage du président de la République (française, NDLR), et depuis quelques semaines, du Premier ministre arménien Nikol Pachinian ; une levée de fonds qui a fait rentrer un peu plus d'un million d’Euros. Il y a quelques jours seulement, Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé 600 000 Euros pour ce projet...

Nous avons déjà levé une somme importante et si on ajoute le soutien de l’Union Européenne et l’emprunt que l’université devra faire, on est capable de faire une première étape de 8000 m2, ce qui représente un bâtiment deux fois plus grand que l’UFAR actuellement.  

En même temps, on va réaliser notre programme européen avec TUMO, qui s'appelle le "Convergence center". Ce sont deux programmes complémentaires pour un total de 20 000 m2. On a lancé cet été la campagne des appels aux propositions qui a vu arriver 60 réponses d'architectes à l'échelle internationale. Le choix est finalement tombé sur le cabinet d’architecture hollandais MVRDV. On va partir sur un bâtiment qu'on voudrait extrêmement identifiant à côté du bâtiment de TUMO qui surplombera la gorge de la rivière et qui comportera une partie de l'Université, une autre partie du “Convergence center”, de manière à ce que nos étudiants aient une grande flexibilité d'utilisation de ces espaces. Donc, ce bâtiment viendra jouxter le bâtiment actuel de TUMO, et toute l’Université y sera déplacée.

 

CDE.  Et l’actuel bâtiment de l’Université, que deviendrait-il ?

J.-M.L. Cet immeuble nous appartient, et on a déjà des idées de ce qu'on pourra en faire. Une des idées parmi d'autres, et qui me semblerait intéressante, c'est d'obtenir une licence pour les 10e-11e-12e années du lycée et de faire un lycée arménien, mais avec un véritable bilinguisme en français, ainsi qu’une rigueur de gestion et de validation de compétences qui conduisent naturellement l’UFAR. Ainsi, on pourra avoir un flux important d'étudiants - on parle de flux de 100-150 personnes - qui arrivent déjà avec une bonne connaissance du français, ce qui leur permettra, très certainement, d'aller redévelopper d'autres compétences à l'intérieur de l'Université, et pour nous, d'apporter une réponse à la question que nous adressent souvent les parents : quel est le meilleur lycée qui permettra de venir faire ensuite ses études à l'Université ?

Ce faisant, je pense aussi qu'on contribue à l’effort du gouvernement arménien sur la question de la Francophonie. Puisqu'une des questions qui me semble importante, c'est que si l'Arménie est francophile, en termes de volumétrie de francophonie ce n'est pas aussi important que cela. Et donc, je pense qu’avoir des organismes bien identifiés, relativement bien rodés dans la mission de la francophonie, cela contribue aux engagements du gouvernement pris en tant que membre de l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie, NDLR). Nous sommes tout à fait en phase dans un schéma général.