« Mémoires d'un orphelin arménien »

Actualité
15.12.2018

Le 14 décembre 2018, l’Alliance Française d’Arménie a accueilli la présentation du livre « Mémoires d’un orphelin arménien » de Karnig Panian. Né en 1910 à Gurun, en Anatolie, Karnig Panian est déporté en juillet 1915, avec les vingt-deux familles de son clan, au camp de concentration de Hama (Syrie). Après la guerre, il poursuit de brillantes études au lycée arménien Nshan Palanjian Djemaran de Beyrouth dont il sort diplômé. Jusqu’à sa mort, le 23 juillet 1989, il consacre sa vie à l’enseignement et à la sauvegarde de la culture arménienne. Dans les « Mémoires d’un orphelin arménien », l’auteur raconte ses souvenirs d’enfance, son village natal, ses premiers pas à l'école arménienne, des vergers de son grand-père mais aussi, la déportation, le cauchemar du génocide de 1915.

Par Anna Baghdassarian​

Témoignage exceptionnel : celui d'un enfant arménien né en 1910 en Anatolie, confronté à l'horreur du génocide perpétré par les Turcs pendant la Première Guerre mondiale. Déporté avec sa famille au camp de concentration de Hama, aux portes du désert syrien, devenu orphelin, Karnig Panian est accueilli quelques mois à l'orphelinat arménien voisin, puis, sur ordre de Djemal Pacha, envoyé avec plus de 1000 autres enfants à l'orphelinat d'Aïntoura, près de Beyrouth, afin d'y être " turquifié " pour "anoblir " la race. En dépit des traitements inhumains dont les enfants de l’orphelinat sont victimes, la résistance s'organise, dirigée par les plus âgés des enfants. 300 d’entre eux meurent, vaincus par la famine et les mauvais traitements. Avec la défaite des Ottomans en 1918, les autres se libèrent définitivement de la barbarie turque.

Le livre est publié en 1992 par le Catholicossat Arménien de Cilicie sous le titre «Housher Mangoutyan yev Vorpoutyan ». En 2015, le livre est édité en anglais par Standford University Presse sous le titre « GoodBye Antoura » et en 2018, après la publication du livre en français en septembre, il y a eu une publication en langue turque par la maison d'éditions Aras Publishing sous le titre « Elveda Antura ».

Shant Marjanian, co-traducteur du livre raconte que le principal motif de cette traduction était l’importance du sujet abordé dans le livre : « Pendant le centenaire du génocide, nous avons beaucoup parlé de l’événement, sur toutes les niveaux, dans toutes les catégories possibles. Nous avions beaucoup de documentations, des archives et des preuves sur l’existence de ce génocide perpétré sous l’Empire ottoman. Mais nous avons très peu parlé des orphelins et surtout du processus de la « turquification » des rescapés de ce génocide, car nous n’avions pas beaucoup de preuves. La raison c’est que une fois que l’Empire ottoman s’est retiré de Liban et de Syrie, ils ont emmené avec eux toutes les archives et ils ont détruit tous ce qui concernait ce processus de turquification des enfants ou des rescapés du génocide ». 

Shant fait remarquer que le livre est écrit à la voix d’un enfant de cinq ans : pas d’insultes, pas de jugement ou de haine à l’égard de ceux qui l’on torturé. Il raconte juste tous ce qui s’est passé par la voix et par le regard du témoin : « En lisant le livre, nous nous sommes rendus compte que Karnig a écrit ses mémoires non pas seulement pour transmettre ces horreurs qu’il a vécues aux générations futures, mais pour dire qu’ils ont résisté à toutes ces atrocités, à la famine, aux châtiments parce qu’ils ont voulu rester Arméniens. Ils n’ont pas voulu laisser de place à qu’on les turquifie, à qu’on les islamise. Et c’est aussi pour ça que nous avons fait cette traduction. A l’époque, on changeait le prénom arménien en turque, on nous faisait oublier notre langue, notre identité, notre religion. Mais aujourd’hui, nous devons faire très attention à ne pas céder à ces trois points. Car aujourd’hui en diaspora, très facilement, nous pouvons accepter à avoir un prénom étranger, nous pouvons ne pas parler arménien parce qu’il est devenu en mode de dire « je ne parle pas arménien », de dire « je suis d’origine arménienne » au lieu de « je suis Arménien ». Donc pour nous, c’est aussi l’une des raisons à réfléchir, grâce à Karnig Panian à cette question. Est-ce que nous avons le droit, aujourd’hui que nous sommes indépendants, que personne ne nous chasse et ne nous oblige, d’oublier notre identité, d’accepter nous-même cette assimilation ? ».