«L'Arménie au-delà des clichés»

Arménie francophone
17.12.2018

Un regard neuf sur la société arménienne, voici ce que propose Maxence Smaniotto au terme d’un séjour de deux ans à Erevan. Rien ne prédisposait ce jeune psychologue, à la double culture italienne et française, à s’intéresser à l’Arménie, sinon un souvenir d’enfance et une attirance singulière pour les horizons menant à l’Asie centrale.

Par Anna Baghdassarian

-Vous avez vécu en Arménie deux ans. Quelle était votre mission ?

Je me suis rendu en Arménie une première fois en mars 2014 pour une durée de deux semaines. J'ai été profondément frappé par la vitalité de la jeunesse arménienne et par son souci de concilier le passé avec le présent pour ainsi bâtir l'avenir. J'ai donc décidé de quitter mon emploi pour participer à un programme de Service de Volontariat Européen (SVE) au sein de la fondation humanitaire suisse KASA, et ceci pour une durée de 11 mois. Ensuite la fondation m'a proposé de rester une année de plus en tant que membre de l'équipe pour m'occuper du projet Francophonie, que nous avons essayé de développer avec nos moyens : beaucoup de créativité et, surtout, de persévérance. Nous organisions des rencontres régulières dans des écoles publiques à Erevan, Gumri et Akhurian, des conférences, des formations, nous développions nos partenariats et on s'occupait de la gazette en ligne, toujours dans le souci de créer une synergie entre la langue française, avec la culture dont elle se fait porteuse, et les Arméniens. La grande question était la suivante : à quoi peut-elle servir la langue française en Arménie ?

- Au terme de ce séjour chargé et créatif, jeune psychologue, vous vous êtes lancé dans l’écriture de « L’Arménie au-delà des clichés ». Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire?

J'ai commencé à rédiger "L'Arménie au-delà des clichés" en été 2015 sans savoir encore quel résultat cela allait donner. En tout cas, je voulais écrire un témoignage sur l'Arménie et sur les autres pays que j'avais visités tout en évitant d'écrire un carnet de voyage, une forme que j'apprécie moyennement. D'autant plus que je n'ai pas voyagé en Arménie, j'y ai vécu. Mon objectif était tout d'abord de donner la voix aux personnes que j'avais rencontrées. En Arménie, certes, mais également à Haut-Karabagh, Iran, etc. Je leur devais ça. Ils m'ont confié leurs histoires, m'ont hébergé avec une chaleur difficilement concevable dans une grande partie de cet occident toujours plus individualiste et méfiant. Et puis, je devais ça à l'Arménie et aux Arméniens, nation meurtrie par l'Histoire et qui a toujours su se tenir debout malgré les catastrophes, au milieu des ruines. Mais mon livre n'est pas non plus une élégie. J'aborde des thèmes parfois fâcheux, mais je pense que si l'on aime vraiment un pays et son peuple, il faut aussi parler du côté sombre et dérangeant. Toute cette complexité dans le cadre d’un petit pays ne pouvait que susciter ma curiosité et m'inspirer pour écrire ce livre dont la rédaction a duré presque deux ans, de l'été 2015 à celui de 2017.

Pour moi écrire est en outre vital, ce n'est pas tout simplement un loisir. C'est ma manière à moi de communiquer et surtout d'élaborer mes vécus.

-Vous avez été témoin de grands événements : le centenaire du Génocide arménien, manifestations de « Electric Yerevan », la guerre des Quatre jours au Haut-Karabagh, la crise des Sasna Tzerer... Comment le regard et la voix du témoin sont-ils représentés dans le livre ?

Cela dépend de l'événement. La guerre des Quatre jours nous a fait craindre le pire ; à moi tout comme aux Arméniens. Là le récit est donc plus intime, d'autant plus que j'étais en Artsakh juste deux semaines après les affrontements.

En règle générale, j'essaie de rendre au lecteur un aperçu global de l'événement et ensuite une réflexion personnelle, mais sans l'imposer. C'est au lecteur de développer son point de vue. De conséquence j'expose les faits, parfois d'une manière très détaillée et documentée, et j'enrichis le tout avec des anecdotes et des rencontres. Je cherche ainsi à restituer la dimension humaine de l'événement, mais également sa portée historique ou géopolitiques. Le rôle que je conçois en tant que témoin est en quelque sorte celui d'un Virgile qui présente à Dante les personnages qui peuplent l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis, répondant à ses questions et donnant parfois son avis. Bien entendu je n'ose pas me comparer à Virgile, mais c'est sa fonction qui me semble résumer le mieux mon intention.

- Avez-vous eu envie de toucher un lectorat particulier ?

Non, ce livre est pour tout le monde. C'est en quelque sorte un hommage à l'Arménie et au Caucase, certes, mais il est conçu surtout pour faire connaître l'Arménie à tous ceux qui ne la connaissent pas et qui s'y intéressent (et aussi à ceux qui la connaissent seulement à travers leur imagination et leurs désirs). En outre, le livre n'est ni un carnet de voyage ni une guide touristique. En plus des considérations sur les pays que j'ai visité et les peuples, il y a un grand nombre de réflexions et souvenirs sur la France, la langue française, l'Occident, et parfois mon histoire personnelle. Ainsi chacun pourra trouver du matériel à réflexion. Certains n'apprécieront pas certains passages, d'autres, oui.

Ce pays mérite d'être connu, c'est pour cela que je ne souhaiterais pas que le livre soit perçu comme pensé et écrit essentiellement pour les Arméniens francophones.

N.B. Pour se procurer le livre « L’Arménie au-delà des clichés »:

https://www.editionsthaddee.com/livres_38.html

https://www.amazon.fr/LArmenie-au-del%C3%A0-Cliches-Maxence-Smaniotto/dp/2919131389/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1543923693&sr=8-1&keywords=maxence%20smaniotto&fbclid=IwAR1QBE4fpfh6NUgjh9xSd2EaVMd-7I5bte0EI8BSCOnWadjHecQkY8Ikano