Discussions autour du livre « Le Village suisse »

Saison de la Francophonie 2015

Après une soirée de lecture bilingue d’extraits de « Le Village suisse » d’Avetis Aharonian à l'Alliance française, le centre Espaces de la Fondation humanitaire suisse KASA proposait d'aborder la même œuvre sous un autre angle, celui du modèle suisse de la citoyenneté vu par l'écrivain arménien. Le 28 mars, la conférence animée par Sévane Haroutunian, traductrice, doctorante et assistante à l’Université de Genève, s'est tenue en présence de l'ambassadeur de Suisse en Arménie Lukas Gasser, la présidente de la fondation KASA Monique Bondolfi, le président des éditions Loussabats Vitali Aslanian et de nombreux autres invités. L’événement s’inscrivait dans le cadre du Festival de la Montagne, initiative conjointe des ambassades suisse et française à l’édition 2015 de la Saison de la Francophonie en Arménie.

Écrit sous forme de lettres adressées à un ami inconnu, le roman relate les randonnées de son auteur à travers les villages suisses. Il expose les impressions et les réflexions d'un Arménien à la découverte de la Suisse et du Suisse. Ainsi, l'analyse comparative y tient inévitablement une place centrale. L'écrivain se fixe comme objectif de "faire ressortir les principes conducteurs de la civilisation suisse susceptibles d’être adoptés" par les Arméniens en faveur du progrès de leur propre civilisation. D'où l'idéalisation par lui du village suisse et, par contre, la volonté, délibérée certes, de noircir le tableau présentant le village arménien qu'Aharonian qualifie d'"arriéré" et d'"incivilisé", afin de faire prendre conscience aux Arméniens des points noirs à éliminer qui entraveraient leur avancée. Points dont certains, chose intéressante, provoquent sa fierté dans d’autres écrits (ce qui prouve son intention d’exagération), Avetis Aharonian étant un vrai patriote croyant pleinement « en la capacité de transformation et d'évolution du peuple arménien », précise Sevane Haroutunian.

Parmi les "outils" qui devraient permettre le progrès des Arméniens à ce début du XXe siècle - et qu'il a observés chez les Suisses - Aharonian distingue avant tout l'éducation, gratuite et accessible à tous sans la moindre discrimination sociale qui forme des "citoyens non seulement de la patrie mais du monde", souligne la conférencière. L'égalité sociale, principe fondamental en Suisse appliqué à tous les niveaux qui assure les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous, qu'on soit un simple employé ou le président de la Confédération suisse, le modèle démocratique hautement participatif, l'attitude envers l'armée retiennent également l'attention d'Avetis Aharonian en tant que moteurs du progrès de la société suisse.

Tous ces aspects caractérisent la société suisse aujourd'hui de même qu'il y a plus de cent ans, lorsque Avetis Aharonian rédigeait ses lettres (elles ont été écrites du 1902 au 1904, durant son séjour en Suisse), a remarqué l'ambassadeur Gasser, non sans fierté.

Quant à la question de Gayane Srapian, responsable du centre Espaces voulant savoir si l'analyse comparative pluriaspectuelle faite par l'écrivain Aharonian dans « Le Village suisse » aurait servi à l'homme politique Aharonian et s’il aurait essayé de traduire en vie certaines de ses réflexions théoriques, elle constitue la seconde partie de la recherche de Sevane Haroutunian. Ce serait sûrement intéressant d'avoir l'occasion de l'écouter, une fois ses conclusions faites au sujet de ce second volet de ses recherches.