Formation francophone au journalisme entrepreneurial

Arménie francophone
04.12.2021

Organisé conjointement par l'Organisation internationale de la Francophonie (l'OIF Repeco), l'Union de la presse francophone (UPF) et le Courrier d'Erevan, un séminaire de formation de trois jours consacré au journalisme entrepreneurial a réuni à Erevan quelques cinquante journalistes et étudiants en journalisme des universités d'État et de Brusov.

Plus besoin de s'appeler Rupert Murdoch pour se lancer dans les médias. L'internet est devenu en une quinzaine d'années la formidable plateforme d'expression libre – parfois trop ? - que l'on connait et fourmille de tous les outils simples, abordables et adaptés à leur diffusion. Encore faut-il savoir s'en servir et en tirer tout le potentiel, créer un media ne s'improvise pas et le journalisme, le vrai, reste encore un métier, fort heureusement.

Auteur de cette formation, Laurent Couderc, journaliste depuis plus de 20 ans, en a disséqué tous les aspects, depuis la psychologie et le tempérament nécessaires au futur entrepreneur, l'environnement médiatique et social avec lequel il devra composer, la personnalité et les attentes de son auditoire jusqu'au ciblage marketing du média et les moyens de financements à sa disposition. Ces autres facettes du métier de journaliste, celles d'un directeur de publication, Laurent les a lui-même expérimentées l'une après l'autre. C'est à ce titre de journaliste entrepreneur et pour en transmettre l'expérience qu'il intervenait à Erevan.

Employé par l'agence Reuters à Barcelone puis à Bucarest par la prestigieuse "AFP" – l'Agence France Presse, il a peu à peu diversifié ses collaborations en qualité de correspondant pour la Croix, l'Express et d'autres hebdomadaires d'actualité ou des émissions de radio. C'est peut-être cette diversité et l'obligation d'adapter sa plume ou son discours à chaque support qui le publiait qui crée le déclic : pourquoi ne pas lancer sa propre structure, devenir encore plus indépendant, choisir ses sujets et sa propre ligne éditoriale, conférer à sa pratique professionnelle une nouvelle dimension, en vivre et se faire plaisir ? Il reprend en 2008 un magazine francophone édité en Roumanie depuis 2003, "Regard", qu'il transforme en une revue diffusée sur le Net, un média complet - texte, photo, image et son - doublé d'un magazine tiré sur papier et d'une lettre d'information bimensuelle. L'iconographie se veut sélective, esthétique avant tout, avec un choix d'images de qualité, de la photo d'art, d'illustration plus que d'actualité. Quant à l'information proprement dite, il s’agit de reportages et d’articles fouillés sachant prendre du recul sur l'évènement, tout le contraire du commentaire "à chaud". Un journalisme lent, exigeant, classique pourrait-on dire.

L'esprit est clairement revendiqué, la mission est didactique. Lecteur associé à l'Université de Bucarest, Laurent intervient régulièrement auprès des lycées et des établissements scolaires de la capitale roumaine. Son message à destination des jeunes Arméniens aujourd'hui est le même, parfaitement adapté: l'Arménie, jeune démocratie elle aussi, appréhende au travers de ses propres préoccupations et de tous les risques inhérents, une liberté de la presse qui lui a été refusée pendant des décennies. Il est essentiel de promouvoir auprès de sa jeunesse les vraies valeurs du métier de journaliste. Exposer des faits de façon simple, vraie, la plus objective possible, être celui qui informe et explique sans forcément donner son opinion, privilégier la qualité du contenu, tant visuel que rédactionnel et à l’heure des réseaux sociaux où tout va très vite, pour ne pas dire trop vite, préférer la réflexion à la sensation, vérifier, recouper, valider et à tout prix bannir le "fake".

La formation a été suivie par une table ronde à laquelle ont participé Satik Seyranian, présidente de l'Union des journalistes d'Arménie, et Khachatur Gasparyan, chef du service de psychologie médicale à l'université de médecine d'Erevan, qui ont tenu une passionnante discussion basée sur l'actualité arménienne et, dans ce contexte, la portée et les effets publics massifs qu'engendrent parfois la diffusion de l'information.

L'initiative de l'Organisation internationale de la Francophonie Repeco, la formation au journalisme entrepreneurial à Erevan a été une belle réussité et va sans doute être suivie d'autres sessions dans les pays de la zone d'Europe centrale et orientale et pourquoi pas aulleurs.