Une francophonie en présentiel : l’inauguration d’une exposition photographique franco-arménienne

Arménie francophone
23.03.2021

Selon les observations faites par Guillaume Narjollet, Conseiller de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France en Arménie, à partir des événements organisés par l’Ambassade en janvier et en février, « le public arménien demande de la culture, demande de la culture francophone ». Pour cette raison, la Francophonie est de nouveau célébrée en présentiel, et c’est une exposition photographique qui ouvre le bal !

Par Lusiné Abgarian

Dans le cadre de cette célebration, le Centre National d’Esthétisme a accueilli, en partenariat avec l’Ambassade de France en Arménie et le collectif français Fetart, l’exposition photographique intitulée « Vivants ! Regards croisés sur la jeune photographie française et arménienne ». Cinq artistes français et arméniens sont à l’origine de cette exposition photographique : Anne-Sophie Auclerc, Alexis Pazoumian, Charles Thiefaine, Sona Mnatsakanyan et Karen Khachaturov.

L’objectif de cette exposition est de créer une résonance entre différents travaux des artistes venus de deux pays différents qui portent sur des sujets divers, allant de la guerre à l’expression corporelle des gens exposés aux violences, de l’adrénaline à la sublimation et à la représentation d’une réalité négligée.

La série de Charles Thiefaine intitulée « Tahrir-Désobléissance » a été réalisée en novembre 2019 à Bagdad, lors d’un mouvement de contestation par la population locale, qui sortait chaque jour pour manifester et revendiquer l’accès à l’eau potable, à l’électricité, au travail. Les manifestations ont été réprimées par les autorités d’une manière violente, en causant des centaines de morts et des milliers de blessés. Le photographe a donc décidé de se pencher à travers cette série sur les « attitudes corporels et les comportements de ces manifestants lorsqu’ils faisaient face à la violence ». Il a donc tenu à représenter la multitude d’attitudes possibles, exprimant la joie, l’excitation, la colère, etc., face aux représailles, car chaque corps s’exprime d’après sa sensibilité et sa propre expérience. 

La série photographique de l’autre artiste, Karen Khachatourov, s’intitule « A la mémoire de ma grand-mère » : « J’ai essayé de démontrer le vécu de mon grand-père après la mort de sa femme ». L’artiste a capté le personnage de sa série, son grand-père aux yeux fermés, justement dans les moments où il exprimait le manque de sa femme, la grand-mère du photographe, dans leur vie d’antan : « Il était très important pour moi personnellement de réaliser cette série, car cette perte était très lourde pour moi aussi ». Et c’est donc à travers la sublimation de cette douleur de la perte qu’est née cette série photographique.

Pour Sona Mnatsakanyan, la plus jeune des photographes exposés, c’est la deuxième série photographique depuis 2018. Sa série intitulée « Journal de Vanadzor » représente les jeunes de Vanadzor, la ville qui n’a connu presque aucun développement, comme beaucoup d’autres villes arméniennes, après la chute de l’URSS et la fermeture des usines. Son but était de « trouver des personnes dans Vanadzor qui vivent et qui respirent, qui sont pleins de vie ». Selon ses observations, en Arménie, les gens ne choisissent pas les villes où ils veulent vivre, car, soit ils restent dans leurs villes natales, soit ils partent pour Erevan pour diverses raisons. « Mes personnages, qui sont très différents l’un de l’autre, sont croisés justement au carrefour de cette problématique du choix de l’endroit où l’on veut vivre », - dit Sona. L’un des personnages de sa série, par exemple, étant né à Vanadzor, veut construire une maison dans cette ville, un autre, encore plus jeune, veut la quitter, enfin, il y en a un troisième qui a déménagé dans cette ville de Erevan pour y vivre, etc.

Le photographe Alexis Pazoumian, français d’origine arménienne, est très fier, lui, d’exposer en Arménie, ayant suivi le parcours de son grand-père, peintre, qui à son tour, avait exposé en Arménie au même âge que lui.

Sa série est dédiée au Karabagh qu’il a découvert en 2016, après la guerre de 4 jours. Et c’est deux ans après qu’il a décidé d’y retourner pour réaliser son projet qui s’appelle « Jardin noir », la traduction du mot Karabagh : « Mon but était de faire un portrait général du Karabagh, de ne pas faire un focus sur un sujet particulier, parce que pour moi, Karabagh c’est déjà un sujet en soi. Je voulais pouvoir communiquer sur cette région dans les médias français ». Ce qui l’a surtout intéressé, c’est de comprendre comment est la vie dans une région, qui est perpétuellement au bord de la guerre et quel est le sentiment de ces habitants qui vivent dans cette zone qui est en permanence en danger, où le conflit peut resurgir à chaque instant.

Ce qui l’a particulièrement intéressé de l’autre côté, c’était l’attachement si particulier des habitants du Karabagh à leur terre et la question de savoir pourquoi les habitants des zones frontalières revenaient dans leurs maisons. Il semble avoir trouvé la réponse : « ces gens ne voulaient pas abandonner les tombes de leurs ancêtres ».

Anne-Sophie Auclerc déclare, elle, s’inspirer directement de son vécu, pour réaliser un travail plus conceptuel sur cette base personnelle. Sa série s’appelle « Il est déconseillé de se baigner dans un lac lors d’un orage ». En effet, ce titre fait référence au vécu de la photographe, qui, en réalité, a failli s’étouffer dans le lac lors d’un orage. C’est après cette expérience personnelle qu’elle a créé cette série : « J’ai rapidement pensé à ce que Milan Kundera disait par rapport au vertige sur ce désir de chute, cette voie de vie qui attire et qui envoûte ». Elle a ainsi trouvé des personnes qui étaient à la recherche des sensations fortes, « en flirtant avec la mort ». Ce qui l’intéressait notamment, c’était de capter les marques de l’énergie et d’adrénaline sur les corps.

Afin de créer des échanges, ce format de rencontre a été conçu pour ce projet, une rencontre entre la France et l’Arménie, à travers, cette fois-ci, la photographie. L’idée de prolongation des échanges, de coopération est de transmission est primordiale, et une prochaine fois, ce seront les Arméniens qui iront en France dans ces cadres.

Pour rappel, l’exposition est ouverte pour tout public du 23 mars au 18 avril 2021. D’autres événements sont également programmés dans ce cadre :

 

Mardi 23 mars

16h00 : Table ronde sur les collectifs de photographes à la librairie Mirzoyan, ouverte au public.

19h00 Visite guidée de l’exposition avec les artistes français, ouverte au public.

 

• Mardi 24 mars

19h00 : Projection du film d’Alexis Pazoumian, en présence de l’artiste au Centre National d’Esthétisme

 

• Vendredi 2 avril

19h00 : Visite guidée de l’exposition avec les photographes Sona Mnatsakanyan et Karen Khachaturov, tout public