Avis à un Occident passif et observateur

L'édito du mois
27.09.2020

Dimanche 27 septembre, tôt le matin, dans la plus « belle » tradition des grandes guerres soigneusement préparées, l’armée de l’Azerbaïdjan a attaqué la frontière avec la République du Haut-Karabagh – l’Artsakh  - une terre arménienne depuis l’Antiquité généreusement « offerte » à l’Azerbaïdjan par Staline. L’attaque était menée à la fois tout au long de la ligne de contact, mais aussi contre la population civile, en bombardant les villages frontaliers et même la capitale Stepanakert.

Au premier regard, la communauté internationale, peu désireuse d’entrer dans le détail, pourrait considérer cette attaque comme un épisode de plus dans ce conflit vieux de trente ans. Seulement, cette fois, la guerre se distingue sur un bon nombre de points, et ces différences sont d’autant plus importantes qu’elles impliquent de plus en plus des facteurs – et des acteurs – extérieurs.

Souvenons-nous d’une véritable campagne en relations publiques précédant l’agression menée par les autorités azerbaïdjanaises qui ne cachaient plus leurs intentions agressives ; l’engagement avéré de quatre mille mercenaires, dont une grande partie sont des djihadistes venant de Syrie, pour combattre contre les Arméniens ; la présence, au moment même du début de l’opération militaire, du correspondant de la télévision turque (TRT), qui a commencé son reportage en direct cinq minutes après le début de l’offensive…

La Turquie, c’est peut-être le facteur le plus important qui différencie cet embrasement de ceux qui l’avaient précédé tout au long de ces trente années. Affichant depuis le début de ce conflit sa posture d’observateur faussement neutre, la Turquie n’hésite plus à soutenir ouvertement le « petit frère », et ceci à tous les niveaux, à commencer par le recrutement et le paiement de salaires des mercenaires, en passant par le renforcement de sa présence militaire à Nakhitchevan (enclave azerbaïdjanaise se trouvant à quelques dizaines de kilomètres seulement de la capitale arménienne), pour en arriver aux déclarations ouvertes de soutien militaire et politique en faveur de l’Azerbaïdjan qui pleuvent de la part des hommes politiques turcs du premier rang.

Ainsi, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavushoglu vient de confirmer que la Turquie « était prête à soutenir l’Azerbaïdjan aussi bien autour d’une table de négociations que sur le champ de bataille ».

Tout cela fait que cette guerre ne peut pas être « rangée » en tant qu’une énième « série » du combat du peuple d’Artsakh (pudiquement appelé par plusieurs médias français « séparatiste ») pour son droit le plus fondamental – l’autodétermination. A ce propos, de quel séparatisme parle-t-on quand il s’agit d’un pays qui, depuis trente ans maintenant, a bâti son propre Etat avec tous les attributs nécessaires ? Le temps n’est-il pas venu pour appeler les choses par leur nom, afin de respecter les valeurs et les libertés démocratiques chères aux puissances occidentales ?

Aujourd’hui, avec une population totale de 140 000 d’habitants, l’Artsakh fait face à une agression d’un Etat qui compte près de 10 millions d’habitants et qui est soutenu par un autre qui en compte 80 millions… Une simple représentation de ces chiffres ne fait-elle pas voler en éclats la thèse qui accuse l’Artsakh d’être le déclencheur de cette guerre, véhiculée abondamment les sources d’information turco-azéries ?

En lançant cette guerre, les autorités d’Azerbaïdjan signent leur arrêt de mort. Elles sont coupables, en premier lieu, devant les citoyens de leur propre pays, condamnés à mourir dans une guerre dont ils n’ont ni envie, ni intérêt… Arrivée à bout de souffle, la dictature pétrolière n’avait plus grand-chose à offrir à sa population, plongée dans un état de misère et de désespoir suite à la baisse du prix de pétrole et à la corruption ambiante. La présence à ses côtés d’un pays démocratique comme l’Arménie – et l’Artsakh – ne pouvais qu’irriter davantage le clan Aliev, où le pouvoir se transmets de père en fils. D'ailleurs, dès les premières heures de la guerre, les réseaux sociaux comme l'Internet en général ont été coupés en Azerbaïdjan - pour contrôler la totalité de l'information qui circule dans le pays. Et la Turquie menée par le fürer Erdogan s’est généreusement servie de cette réalité pour s’affirmer dans le Caucase du Sud – une zone géographique traditionnellement sous l’influence russe…

Et l’offensive militaire ne s’arrête pas là : la ville de Vardenis située sur le territoire d’Arménie (et non du Haut-Karabagh !) est depuis peu aussi sous le feu de l’armée d'Azerbaïdjan. On y compte déjà des victimes civiles, tout comme en Artsakh.  La guerre semble prendre un tournant beaucoup plus important…

Ainsi, aujourd’hui, l’Artsakh et l’Arménie se retrouvent à la première ligne de résistance à une Turquie plus dangereuse et plus expansionniste que jamais, qui n’hésite plus à afficher ses appétits au monde entier.

La seule façon de l’arrêter – aider les Arméniens à résister à cette offensive qui risque d’embraser toute la région et bien au-delà.

Plus vite la communauté internationale le comprendra, plus il y aura de chances de survie non seulement pour le peuple arménien, mais aussi pour la civilisation occidentale et chrétienne en général.