À l'occasion de l'ouverture de l'année du centenaire Charles Aznavour à Erevan, son fils Nicolas, dirceteur de la Fondation Aznavour a repondu à quelques questions du Courrier d'Erevan.
Propos recueillis par Paul Lombaert et Victor Demare
Il est 18h30, lorsque le directeur de la Fondation Aznavour arrive au Théâtre dramatique d'Erevan. Nicolas, fils de Charles, gravit l'escalier qui mène au hall d'accueil accompagné de sa femme, Kristina.
Leur demi-heure d'avance sur la représentation du spectacle Petit frère, vision biographique et personnelle de la vie du chanteur mise en scène par Gaëtan Vassart, lui permet de nous donner quelques détails des célébrations du centenaire de la naissance de Charles Aznavour, dont l'événement du soir marque le lancement public. D'expliquer, aussi, les activités de la Fondation éponyme, entre gestion de l'héritage paternel et engagement face aux enjeux d'aujourd'hui qu'affrontent l'Arménie.
M. Aznavour, bonsoir. Nous vous rencontrons à l'occasion des célébrations autour du centenaire de la naissance de Charles Aznavour. Celles-ci ont commencé le mois dernier, en France, à Cannes, n'est-ce pas ?
Oui ! On a ouvert l'année à Cannes avec un concert au Palais des Sports. Le concert s'appelait Aznavour Classique parce que mon père aimait beaucoup la musique classique, ses chansons ont été adaptés par l'orchestre symphonique. Le spectacle était en trois parties. Une partie piano, un medley joué par Erik Berchot qui a été le pianiste de mon père pendant longtemps et maintenant professeur au conservatoire et qui a beaucoup de talent. Une autre partie avec l'ensemble de l'orchestre symphonique, et une dernière partie enfin, avec une chanteuse lyrique. Tout s'est très bien passé, nous étions contents. Tous les billets sont partis.
Cannes a donc marqué le point de départ du centenaire. Quelles vont être désormais les grandes étapes qui scanderont les célébrations ?
À Erevan, cela commence par cette soirée au Théâtre dramatique, avec cette belle pièce inspirée du livre de ma tante Aïda qui s'intitule Petit frère. C'est une troupe du Luxembourg qui est venue la jouer. Ce sera en français avec des sur-titres en arméniens pour que tout le public puisse bien comprendre.
Un public en majorité francophone ?
Pas seulement. Ce que nous recherchons c'est la mixité, c'est de créer des ponts. Que les Arméniens qui ne connaissent pas la langue française s'y intéressent, qu'ils aient envie de l'apprendre. On a fait beaucoup de lobbying pour qu'un Institut français soir créé en Arménie : c'est désormais le cas. On espérait l'héberger au Centre Aznavour mais nous n'avons toujours pas résolus les problèmes d'immeuble... La représentation de cette pièce entre aussi dans le cadre de la Saison de la Francophonie.
Votre père est né un 22 mai. Est-ce qu'un évènement particulier est prévu pour cette date ?
Je ne sais pas exactement, de nombreux événements sont prévus à droite, à gauche, dont je n'ai pas une lecture claire. En France, un parc va être renommé Jardin Charles Aznavour, en bas des Champs-Elysées. Il y aura une cérémonie d'inauguration, avec dévoilement d'une plaque commémorative, mais la date ne nous a pas encore été communiquée.
Ah si ! À Erevan, le 22 mai, il y aura un très gros concert : celui joué à Cannes justement, sur la Cascade. On veut que le public puisse venir librement, que tout le monde puisse en profiter. Nous n'avons pas voulu l'organiser dans une salle fermée, où tout le monde, seuls certains privilégiés auraient eu accès. Mais hormis le 22 mai, beaucoup d'événements sont prévus à travers toute l'Arménie, pas seulement à Erevan, à Gyumri aussi, en face du Théâtre Vardan Ajemyan.
Aujourd'hui, avec l'adaptation de Petit Frère au théâtre, vous témoignez du caractère varié de l'héritage de votre père et dont les chansons continuent aujourd'hui de séduire un grand public. Du cote de la Fondation, comment se traduit cet héritage ?
Ce à quoi mon père était le plus attaché, c'était l'amour de la langue française, le travail, la tolérance, les valeurs qui nous unissent et que l'on essaie de distiller à travers la culture. Il y a des liens forts aujourd'hui entre l'Arménie et la France. Avant, ces liens étaient plus culturels, maintenant ils s'étendent au politique. Il ne faut sous-estimer aucun de ces liens.
Au départ nous rêvions surtout de nous occuper de culture, mais l'actualité nous a rattrapés. En 2020, pendant la guerre, nous nous sommes beaucoup investis. Grâce au gouvernement français, on a pu ramener 175 tonnes d'aide humanitaire et d'équipement médical. Ensuite, nous avons créé un centre de réhabilitation à Vanadzor, pour les soldats blessés. Toujours à Vanadzor, avec l'aide du gouvernement japonais, nous avons pu ouvrir un laboratoire d'analyse médical doté d'équipements de pointe. Avant, tous les échantillons devaient être emmenés à Erevan. Diagnostic et prise en charge sont effectués sur place désormais et les traitements sont accélérés d'autant.
Nous poursuivons aussi nos programmes de bourse, au départ pour les anciens combattants, et maintenant étendus aux veuves pour qu'elles puissent recevoir une formation et créer leur petit "business". La Fondation assure le suivi de leur micro-entreprise pendant une année, pour s'assurer de leur pérennité en cas de problème. Nous avons également aidé le gouvernement arménien à rénover l'hôpital psychiatrique de Nubarashen, le plus grand d'Arménie. Il n'avait jamais été rénové depuis. Le gouvernement a mis les moyens et de notre côté, nous avons participé à tout ce qui concerne l'aménagement intérieur, les cantines, et d'autres parties communes.
Comment la Fondation Aznavour est-elle financée ?
Grâce aux donations privées et à celles des gouvernements français et japonais. Grâce à d'autres fondations, aussi : en France, l'association Aznavour pour l'Arménie, la fondation Bullukian...
Quelles sont les perspectives de la Fondation pour les années à venir ? Comment la rêvez-vous dans vingt ans ?
On espère que la situation en Arménie se stabilisera, afin de faire plus de culturel et moins d'humanitaire. Mais si le besoin s'en fait sentir, nous serons toujours là aux côtés de Arméniens.
