Henry Yoan Wazne, Consul honoraire d'Arménie en RDC: Triple Alliance pour le Congo

Arménie francophone
01.11.2021

En nommant le banquier français Henry Yoan Wazne au poste de Consul honoraire en République Démocratique du Congo, l'Arménie pave sa route vers les marchés africains

Micromégas. 100 fois la superficie de l'Arménie ! Plus de 30 fois sa population ! Au cœur du continent africain, la République Démocratique du Congo (RDC), le plus grand pays francophone au monde, couvre une superficie équivalente à celle de l’Europe de l’Ouest. Après une longue période de conflits et d’instabilité politique qui avaient eu un impact dévastateur sur le pays, son économie et son tissu social, des élections générales en 2018 y ont vu enfin la première transition pacifique du pouvoir depuis l'accès du pays a son indépendance en 1960. Félix Tshisekedi en est depuis le président.

Stratégiquement située et dotée de ressources naturelles exceptionnelles en hydroélectricité ou en minerai (cuivre, cobalt, diamants, or et uranium), la RD Congo s'est récemment mise en quête active de nouveaux partenaires en ouvrant de larges de son économie aux investissements étrangers. En parallèle au secteur minier, encore largement inexploité, celui du secteur secondaire – 2 milliards de dollars de projets ! - et des services, notamment financiers où l'Arménie excelle, constituent une cible attractive et une plateforme de choix pour aborder le Continent africain.

La petite république du Sud Caucase ne s'y est pas trompée en nommant à Kinshasa son premier Consul honoraire. C'est un banquier, français, établi au Congo depuis plusieurs années qui a été choisi pour en assumer la fonction. Henry Yoan Wazne, niçois de naissance, 51 ans, juriste de formation, dirige la Sofibanque, l'une des plus actives de la place, première en termes de résultat net en 2020. Il est aussi administrateur de la Société Financière d'Assurance et conseiller du commerce extérieur de la France, et il vient d'être élu au conseil des Français de l'étranger.

Aujourd’hui, Henry Wazne lance un appel aux investisseurs arméniens à venir le rejoindre dans un pays où tout est à faire. Nous vous présentons son interview exclusive au Courrier d'Erevan.

Le Courrier d’Erevan : Vous venez d'être nommé consul honoraire d'Arménie au Congo. Avez-vous un plan d'action déjà défini ? Que peut-on faire pour que ces relations deviennent bien réelles ?

Henry Wazne : Je suis tout d'abord extrêmement honoré et heureux d'avoir été nommé consul honoraire d'Arménie en République Démocratique du Congo. J'ai cette double casquette de français opérant au Congo. L'Arménie fait partie de l'Organisation Internationale de la Francophonie, au même titre que la République Démocratique du Congo. C'est le plus grand pays francophone du monde en nombre d'habitants. À ma petite échelle, j'essaye de contribuer à tisser ce lien entre la France, l'Arménie et la République du Congo.

J'ai été nommé y a déjà quelques mois que mais c'est le 26 octobre dernier que nous avons signé l'acte d'engagement avec le Ministère arménien des affaires étrangères. Donc le travail n'a pas commencé depuis ma nomination en tant que consul mais depuis beaucoup plus longtemps.

C'est vrai qu'il n'y a pas encore beaucoup d'Arméniens au Congo, le consul honoraire va peut peut-être changer ça. Avec Valéry Safarian, président de la Chambre de commerce belgo-arménienne qui encourage régulièrement et depuis plusieurs années les opérateurs belges d'origine arménienne à venir au Congo, nous allons ensemble redoubler d'efforts pour y inviter aussi les Arméniens et les Français d'origine arménienne.

J'espère qu'on va réussir dans cette mission qui n'est pas forcément simple mais qui, je pense, est jouable. L'Arménie est un pays avec beaucoup de potentiel en termes de ressources humaines et dans d'autres domaines, si on arrive à créer l'alchimie, je pense qu'il y a quelque chose à faire.  

Les relations entre l'Arménie et l'Afrique en général restent balbutiantes, malgré un très grand potentiel. Tout ce qui touche à ce type de relation est effectivement très intéressant, pourriez-vous nous en dire plus ?

Le vice-ministre des affaires étrangères et son responsable des relations avec l'Afrique et le Moyen-Orient ont fait ce même constat lors de la signature du document. Ils sont conscients de ces faiblesses, de ces lacunes, mais aussi de ce grand potentiel, et ils font tout pour y remédier.

Bien sûr, l'Afrique est un peu victime des idées reçues: c'est loin, on a l'impression que c'est compliqué et quand on pense Afrique, on pense souvent coup d'état, guerre civile... On en oublie finalement que c'est là-bas qu'il y a 70 % du coltin et du cobalt du monde. Sans ces deux matières-là, pas de voitures électriques, pas de téléphones mobiles. Les nouvelles technologies, la transformation énergétique que la planète appelle de ses vœux ou la fameuse superproduction de batteries électriques franco-allemandes ne peuvent exister sans la république démocratique du Congo. C'est un enjeu énorme, essentiel. Aujourd'hui, il y a un sous-investissement, pas assez de gens qui viennent, même si des secteurs qu'on pense saturés, comme les mines, n'ont pas même été exploités à 1 %. C'est le rapport de la banque mondiale qui le dit.

Ces quinze dernières années, l'Arménie s'est beaucoup tournée vers la Russie et les marches asiatiques mais il y a un marché qui est en attente, c'est l'Afrique. Je pense que les choses sont sur le point de changer. L'Arménie a déjà ouvert une ambassade en Égypte, une autre à Addis-Abeba. Ce consulat honoraire du Congo est une nouvelle étape. Deux, voire trois nouvelles ambassades ou consulats honoraires en Afrique suivront et ouvriront la voie d'un plus large développement de ces relations, sans doute en direction l'Afrique de l'Ouest.  

Pour en revenir au niveau des affaires, quels sont vos interlocuteurs ou partenaires ici, s'ils existent déjà, ou souhaitez-vous lancer un appel aux hommes d'affaires arméniens pour venir travailler en République Démocratique du Congo ?

En tant que banque, nous souhaitons bien sûr accueillir de nouveaux investisseurs. Et quoi de mieux que d'accueillir des gens qui présentent le profil parfait pour travailler en Afrique, qui sont aventuriers dans le bon sens du terme, qui sont courageux, très connus en diaspora, qui ont des relations partout. Ils ont un sens des affaires extrêmement aigu et ce sont des gens d'une excellente réputation, donc ils ont tout pour venir travailler en Afrique.

On essaie de les encourager et parmi eux, j'ai déjà eu plusieurs visites au Congo d'hommes d'affaires arméniens actifs dans le domaine de la technologie, de l'IT, dans le commerce général. Ils ont été bien accueillis, ils ont vu le potentiel, certains ont déjà gagné des contrats, je pense qu'il y a des choses qui commencent à se mettre en place.

Mais pour bien recadrer le message, s'il est vrai que nous avons besoin de grands hommes d'affaires arméniens, des gens qui ont des moyens pour venir investir, il y a aussi de la place pour les PME ou des sociétés de taille intermédiaire, notamment dans les secteurs de la technologie et des services.

Je prends l'exemple d'un secteur que je connais bien, le secteur bancaire, là, on est à la croisée des chemins : les banques européennes ne s'intéressent plus beaucoup à l'Afrique parce il n'y a plus de financement pour y aller, les banques arméniennes, les sociétés d'assurance arméniennes, peuvent prendre leurs relais pour la fourniture des services financiers qui sont essentiels. On ne demande pas aux banques arméniennes de venir prêter de l'argent pour monter des projets au Congo, on leur demande d'être des "service-provider".   

Effectivement, le système bancaire arménien est très développé, très performant. 

Lors de ma dernière visite, j'ai rencontré des dirigeants de banques et le ministre de l'économie. Je leur ai dit : " Vous avez une bonne réputation, une bonne réglementation bancaire, vous pouvez devenir une sorte de hub bancaire et fournir les services bancaires nécessaires aux entreprises qui travaillent pour l'Afrique et n'en trouvent plus auprès de l'Europe ou de la France. Des grands groupes qui me disent avoir de plus en plus de problèmes dans les autres pays où nous ne sommes pas présents pour obtenir des services bancaires de base, c'est-à-dire des opérations rapides, fluides. Les banques européennes, même quand elles sont installées là-bas ne sont pas forcément focalisées sur la notion de service. Il y a une place à prendre, il n'y a pas besoin de mettre des milliards, il y a juste à faire un choix politique et décider de devenir un hub de services bancaires ".  

En avez-vous reçu un écho favorable ?

Oui, j'ai effectivement senti beaucoup d'intérêt de la part du ministre de l'économie qui je crois en a parlé avec le premier ministre. Je pense d'ailleurs que la prochaine fois nous allons avoir l'opportunité de le rencontrer. Il existe réellement aujourd'hui une opportunité pour le secteur bancaire arménien de devenir un pôle de services financiers ou d'assurances. Le ministre en était tout à fait convaincu.