L'économie arménienne en 2023 : la productivité en hausse ?

Economie
03.04.2023

La Banque centrale d’Arménie révise à la hausse ses prévisions de croissance pour 2023, à 5,9% au lieu des 4,5% prévus en début d'année. Elle avait atteint 14,2% en 2022, mais pour des raisons exclusivement conjoncturelles rendant impossible son maintien à un tel rythme cette année. On observe cependant un phénomène inédit en Arménie : la croissance de la productivité.

Par Aram Gareginyan

 

Les Russes achètent...

La croissance économique arménienne l’an dernier était en grande partie conditionnée par une forte demande, drainée par l'afflux de citoyens étrangers, principalement russes, arrivés en masse après le déclenchement du conflit en Ukraine. "Effet d'aubaine" qui avait apporté un nouveau dynamisme aux secteurs du commerce de détail et des services (restauration, tourisme, etc.). C'était la troisième fois depuis 2021 que l'on assistait à nette accélération de la croissance des revenus dans ces secteurs, de 7 à 8% tout d'abord, puis 17% et jusqu'à 28% en 2022, pour le commerce et les services respectivement (selon les chiffres du Comité national de statistique). 

Ce mouvement a aussi provoqué l'émergence d'un phénomène connu sous le terme de “boucle salaires-prix”: les entreprises de ce même secteur ayant gagné des milliers de nouveaux clients supplémentaires ont du simultanément augmenter les salaires proposés pour attirer à leur tour de nouveaux employés aptes à satisfaire cette demande, tant en biens qu'en services. Cette  dernière ne s'est malheureusement pas accompagnée d'une égale croissance en productivité. L’inflation incite les travailleurs à demander davantage de hausses salariales entraînant en réaction une nouvelle flambée inflationniste. C’est pour cette raison notamment, et pour limiter la demande de crédit - donc des biens et des services - que la Banque centrale maintient le taux élevé de sa politique monétaire. Elle tente ainsi de contenir l’inflation, qui reste élevée en Arménie, tout comme dans le reste du monde. 

...mais aussi travaillent

Les nouveaux employés et les entreprises de la finance et du numérique fondées par les immigrés de Russie - et dans une moindre mesure, par ceux d'autres pays - ont contribué à l'accroissement de la productivité du fait de leur expérience du travail pour les grandes entreprises de Moscou, Saint-Pétersbourg et d'autres centres financiers ou industriels de Russie et d’ailleurs, y compris pour les filiales des géants internationaux. En conséquence, les salaires moyens en 2022 ont bondi de 38% et 70% dans les domaines respectifs de l’informatique et de la finance.

La construction et les mines (y compris Amulsar)

Les secteurs minier et de la construction ont longtemps représenté les deux piliers principaux de l'économie arménienne. En ce qui concerne le premier, le pays reste un exportateur de ressources naturelles brutes, non-transformées. Grâce au feu vert du gouvernement autorisant la reprise des opérations de la mine d'Amulsar suspendues pendant plusieurs années, ce secteur va peut-être renforcer encore davantage sa position cette année. On ne parle pas encore d’affinage de l’or dans le pays, empêché, entre autres choses, par la législation imparfaite du calcul de la TVA. 

Quant à la construction, elle continue également à contribuer fortement et directement à l’activité économique arménienne mais aussi à la production de ciment, de barres en acier et d'autres matériaux de base. Cependant, ces développements sont largement dus à d'importantes subventions publiques sous forme de remboursement des intérêts d'emprunts pour les investissements sur le marché immobilier du neuf. L’effet économique représente bien plus que les subventions elles-mêmes puisqu'il favorise non seulement l'activité du secteur de la construction mais aussi celle des systèmes financiers.

Malgré tout, le phénomène ne concerne pas les industries plus sophistiquées comme celles de la fabrication des ascenseurs, des peintures ou du verre plat par exemple, bien qu' elles soient elles-aussi liées au secteur de la construction.

Un facteur nouveau

Cette année néanmoins, les facteurs de croissance économique pourraient changer, des entreprises de plus en plus nombreuses cherchant à moderniser leurs équipements en profitant le plus possible des subventions attachées aux taux d'intérêt, sur prêt ou sur leasing. Leur rendement pourrait d'ailleurs avoir une influence notable sur l'économie dans les mois à venir.

La Russie confirme enfin la prépondérance de son marché au regard des exportations arméniennes, d'autant plus depuis le départ de nombre de ses fournisseurs traditionnels d'Europe de l'ouest ayant eu pour effet de libéretr des niches commerciales intéressantes.

Ajoutons qu’il n'y a pas d’indicateur précis de la productivité dans les statistiques officielles. Le travail informel, encore notable en Arménie, en particulier dans la construction et les services, justement, ainsi que les horaires irréguliers ne permettent pas d'évaluer justement le taux de productivité horaire Selon les estimations approximatives du ministère de l'Économie, ce taux se situerait aux alentours de sept dollars/heure, soit quatre fois moins qu’en Russie et sept à huit fois moins qu'en Europe occidentale.