Coopération franco-arménienne des vignerons

Société
22.04.2022

Areni et Bandol, deux grandes signatures du monde viticole unissent leurs savoirs et leurs efforts pour l'amélioration et la reconnaissance internationale du vin arménien.

Par Olivier Merlet

En 2017, sur les bords de la Méditerranée, les villes de Bandol et d'Areni scellaient un pacte d’amitié et de coopération franco-arménienne ainsi qu'une convention d'échanges de savoirs et de techniques entre les vignerons de ces deux grands terroirs.

La visite d'une délégation française était attendu dans le Vayots Dzor l'année suivante mais l'actualité sur fond de révolution, de pandémie et de guerre avait gelé tous les projets. Le 5 février dernier, une conférence destinée à rompre l'isolement sur la scène mondiale de l'Arménie et de l'Artsakh réveillait le pacte endormi et le 15 avril, Vincent Manoukian, œnologue mandaté par le maire de Bandol, Jean-Paul Joseph, signait enfin le protocole d'accord d'une coopération dans le domaine de la viticulture.

Remontons l'histoire… Le vignoble arménien, à l'époque soviétique, était constitué d'une multitude de petits lopins de terre consacrés à la production de raisin à cognac. La confection des vins restait la chasse gardée de la Géorgie. En Arménie, on privilégiait donc une récolte abondante et des grappes très sucrées favorisant une fermentation alcoolique à taux élevé. L'achat du raisin se négociait au poids et tout était bon pour le faire bien grossir quelques semaines avant les vendages, son sur-arrosage en particulier, pour des grains pauvres en goût et gorgés d'eau.

Grâce au travail des caves créées ces vingt dernières années, La vini-viticulture arménienne est en train de renaître. Les jeunes producteurs notamment, Areni dans le Vayots Dzor et la province d'Aragatsotn regroupent les meilleurs, mettent un grand accent sur la qualité et entendent occuper une place de choix sur la carte vinicole du monde. Environ 12 millions 400 000 litres de vin sont aujourd'hui produits chaque année en Arménie dont un bon tiers est vendu à l'export.

Repenser la culture de la vigne, limiter le nombre de pieds à l'hectare, effectuer une sélection rigoureuse des meilleures grappes, réduire l'arrosage et préserver la ressource en eau pour obtenir un raisin de qualité, « faire baisser le taux de sucre au profit de la maturité phénolique, à savoir, en termes profanes, favoriser les tanins et les aromes », explique Vincent Manoukian. Mais les traditions ont la vie dure, la formation des vignerons, le respect scrupuleux par ces derniers d'un cahier des charges adapté et le façonnage des vignes laissent encore à désirer. « Même si d'importants investissements technologiques ont déjà été réalisés, les objectifs économiques de nombreux viticulteurs ne s'envisagent encore que sur le court terme. » constate Zaruhi Muradyan, directrice de la "Fondation arménienne du Vin et de la viticulture" (AVWF).

L'accord de coopération Areni-Bandol entend répondre à ces besoins en envisageant une aide au développement plusieurs axes : assistance technique et maîtrise des rendements, recyclage des eaux usées provenant du traitement et du nettoyage des cuves, anticipation au réchauffement climatique par la greffe de "nouveaux-anciens" cépages et enfin, la mise en œuvre d'un cahier des charges strict, destiné à la création d'une appellation "Areni" d'origine contrôlée qui permettra la reconnaissance internationale de son vin.

Dans cette optique, un partenariat étroit est mené avec l'AVWF. En 2018, cette organisation a créé une pépinière de remise en cépage de vieilles variétés considérées comme insuffisamment productives pendant l'ère soviétique. Cinq cent cépages y sont soigneusement cultivés et entretenus, deux cent soixante ont déjà été certifiés dont certains offriraient une excellente résistance au phylloxéra et seraient particulièrement adaptées aux nouvelles conditions climatiques. La création de nouveaux domaines viticoles est aussi en cours de projet, sur la région d'Areni et dans la province du Tavush. À terme, c'est l'ensemble du vignoble arménien qui devrait profiter de cette coopération.

« Aréni, en Arménie, nichée face aux coteaux qui ont fait sa renommée est un peu la sœur de Bandol : les rouges produits là-bas sont profonds et généreux ». En 2017, Ohan Hekimian, personnalité arménienne marseillaise bien connue, ancien directeur de la revue "Armenia" et conseiller de coopération, initiait ce rapprochement entre Bandol et Areni. « C'est non seulement un échange de savoirs mais aussi de valeurs et de philosophie de vie », commente aujourd'hui Husik Sahakyan, maire d'Areni.