Enseigner, rappeler, montrer – Trois évènements autour du 24 avril

Actualité
23.04.2022

Les commémorations du 107ème anniversaire du génocide arménien vont se dérouler cette année sous un climat bien particulier, celui des pourparlers de paix récemment annoncés avec l'Azerbaïdjan mais aussi du rapprochement de l'Arménie et de la Turquie engagé depuis déjà plusieurs mois.

À Erevan, le jour de mémoire a servi de contexte à l'organisation de trois évènements simultanés tenus au musée-institut de Tsitsernakaberd dont le volet principal réunissait autour d'une conférence de trois jours sur " les défis de l'enseignement du génocide arménien au XXIème siècle", une trentaine d'experts internationaux des questions de génocide venus d'Arménie, des États-Unis, de la Fédération de Russie, du Liban, d'Israël, du Rwanda, d'Espagne, d'Afrique du Sud et du Cambodge.

 

Enseigner le génocide pour apprendre de l'histoire

Avant de céder la place aux différents intervenants, le directeur du MIGA, Harutyun Marutyan, a pris la parole : « En discutant avec des universitaires internationaux réputés […] qui représentent pour la plupart des peuples qui ont été soumis à un génocide à différentes époques […], nous voulons avoir une idée de la manière dont le sujet du génocide est enseigné dans les pays étrangers, en arménien et dans d'autres langues », a-t-il déclaré.

La vice-ministre de l'Éducation et des sciences, Zhanna Andreasyan, dans un discours de bienvenue a ajouté : « La conférence consacrée aux problèmes de l'enseignement du thème du génocide dans les établissements d'enseignement général est plus que d'actualité aujourd'hui. J'espère que cette discussion […] nous donnera une image plus claire des meilleures stratégies pour enseigner la matière face aux défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui ».

Il est à noter que de l'autre cote de l'Atlantique, le jour même de l'ouverture de la conférence à Erevan et un an après la reconnaissance du génocide arménien par le Président américain Joe Biden, les députés de la Chambre des représentants des Etats-Unis ont soumis au vote une "loi sur l'éducation au génocide arménien" qui financerait les programmes éducatifs de la Bibliothèque du Congrès sur l'histoire, les leçons, les conséquences et les coûts actuels du génocide arménien. « Si nous n'apprenons pas de l'histoire, nous sommes condamnés à la répéter », a déclaré la députée démocrate Carolin Maloney. « C'est pourquoi je suis fier de présenter la loi sur l'éducation au génocide arménien pour enseigner les horreurs et les leçons du génocide arménien avec précision et efficacité ».

 

Le souvenir des écoles arméniennes occidentales

" Sur les traces des écoles arméniennes", est la première d'une série d'expositions temporaires intitulée "Les traces d'un peuple éduqué" retraçant les activités autrefois florissantes de deux mille écoles arméniennes dans l'empire ottoman, interrompues par le génocide. Jusqu’alors, malgré les persécutions et les violences perpétrées par le gouvernement ottoman, non seulement elles n'avaient jamais cessé d'exister, mais avaient connu au fil des décennies une grande reconnaissance, contribuant de manière significative à l'éducation, à la science et au développement culturel de l'empire.

Composée de seize panneaux titres bilingue en arménien et en anglais, l'exposition rappelle le souvenir des écoles arméniennes occidentales les plus connues. Une section distincte est consacrée aux écoles arméniennes de Constantinople où ont étudié de célèbres intellectuels arméniens, victimes du génocide comme Ruben Syak, Daniel Varuzhan, Misak Metsarents (Metsaturyan), Tadeos Mankasaryan ou Rafael Shishmanyan. Les objets et documents présentés, des certificats et diplômes originaux, des photographies, manuels et fournitures scolaires, sont autant de témoignages précieux provenant d'archives, de musées et de bibliothèques, de diverses institutions ou de collections privées, tant en Arménie qu'en Diaspora, qui constituent des preuves factuelles de l'existence passée d'écoles arméniennes dans l'Empire ottoman.

Seda Parsamyan, responsable au MIGA du département des expositions muséales précise a son sujet que « l'exposition donne non seulement un aperçu des activités de l'institution, des méthodes d'enseignement, du personnel enseignant, des sujets et d'autres questions à plus d'un siècle de distance, mais elle soulève également des questions globales liées à l'école arménienne, au travail et au système éducatif. »

 

Illustrer l'horreur

Enfin, dernier évènement de ces commémorations du 24 avril, une exposition de gravures en taille-douce signées Jean-Pierre Séférian, graphiste et artiste peintre né à Marseille illustre l'une des phases de la mise en œuvre du génocide des Arméniens, jetés sur les routes par un régime criminel pour être envoyé vers l'inconnu et la mort, le désert de Syrie.

"Le désert : les marches de la mort", travail entrepris dès 2009 jusqu'en 2015 pour le centenaire du génocide, traduit une approche artistique de la déportation. La technique de la gravure en taille-douce permet d'inverser le sens du dessin, celui en particulier des colonnes de déportés une fois imprimée sur le papier. Ce travail graphique constitue un extraordinaire hommage à ces marcheurs du désert dont bien peu ont survécu. Cette salle d'exposition permanente des œuvres consacrées à 1915 du peintre franco-arménien Jean Jansem, offre aux visiteurs, grâce à la présentation de celles de Jean-Pierre Séférian, l'occasion unique d'observer en miroir le travail exceptionnel de deux maîtres s'adressant au public avec une grande puissance et une grande humanité.

OM

 

L'exposition " Sur les traces des écoles arméniennes, les traces d'un peuple éduqué" se tiendra jusqu'au 10 septembre 2022, "Le désert : les marches de la mort", jusqu'au 19 juin.