Nathalie Loiseau répond au Courrier d'Erevan

Actualité
26.06.2023

À l’issue du point de presse à l’attention des journalistes arméniens, la semaine dernière, Nathalie Loiseau, présidente de la sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen, a répondu en aparté aux questions du Courrier d'Erevan à qui elle avait accordé une interview courte, mais exclusive.

 

Le Courrier d'Erevan : Vous avez dénoncé l’inaction de la Russie dans le blocus du Haut-Karabakh. Est-ce réellement le rôle du Parlement européen de condamner son inaction, bien que cela semble être tout à fait objectif ?

C'est parfaitement notre rôle de dire ce que nous voyons. La Russie a considéré depuis Le cessez-le-feu de 2020 que la présence de ses soldats assure la sécurité des habitants du Nagorno-Karabakh. Les médias russes sont très critiques sur l’arrivée d’une mission de l'Union européenne. Je me pose des questions sur le rôle de la Russie.  J'ai vu les observateurs russes les bras croisés face au corridor de Latchine fermé. C'est mon devoir que de témoigner de ce que j'ai vu.

 

Par rapport aux exportations de gaz dont vous avez évoqué la quantité, bien supérieure à la production dont est capable l'Azerbaïdjan mais que l'Europe achète, comment se fait-il que ce problème n'ait pas été évoqué avant la signature du contrat européen d'approvisionnement ?

Ce que je constate aujourd'hui, c'est que l'Azerbaïdjan exporte davantage qu'il ne produit, ça signifie qu'il exporte probablement du gaz russe, il a d'ailleurs signé un accord avec Gazprom. Vous savez que l’Union européenne souhaite lutter contre le contournement des sanctions à l'égard de la Russie. Nous regardons tous les pays, et je dis bien tous les pays, dont le commerce a doublé ou triplé avec la Russie ou dont les approvisionnements en pétrole et en gaz russe ont fortement augmenté. Et je souhaite que l'Union européenne tire les conséquences du fait que l'Azerbaïdjan importe du gaz russe.

 

La présence des observateurs de l'Union européenne est très appréciée en Arménie et beaucoup d'espoirs y sont liés. À votre avis, peut-on attendre davantage d'action de la part de l'Europe, y compris peut-être une action militaire ou la présence des casques bleus?

La présence de casques bleus dépend d'une décision du Conseil de sécurité des Nations-Unies à laquelle j'ai déjà fait allusion dans mon point presse. Je la souhaite et j’encourage   les pays européens membres du Conseil de Sécurité à y travailler. J'espère qu’aucun pays ne bloquera au niveau du Conseil de sécurité. Si on souhaite sincèrement la paix entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie ainsi que la sécurité du peuple du Nagorno-Karabagh, il n'y a pas d'autre solution qu’une présence internationale dans le territoire.

S'agissant d'une présence militaire européenne, il faudrait l'unanimité des 27 États membres de l'Union européenne. Honnêtement, je ne l'imagine pas. Mon travail de parlementaire européen, c'est d'une part de faire en sorte qu'il y ait un très fort consensus au Parlement européen en soutien l'Arménie, et c’est le cas. Il y a eu le rapport sur l'Arménie auquel j'ai participé, il y a un rapport sévère sur l'Azerbaïdjan, une résolution sur le corridor de Latchine que j'ai rédigée, il y a eu une séance de questions en plénière avec le haut-représentant la semaine dernière. Il   a été interrogé sur la situation dans le corridor de Latchine. Aujourd'hui, au Parlement européen, il y a un consensus très fort. Ensuite, j'invite mes collègues à se retourner vers leurs gouvernements respectifs pour que les autres gouvernements comprennent aussi bien que le gouvernement français, quelle est la situation en Arménie. On peut dire qu'on n'y est pas encore.

 

Nos voisins géorgiens clament haut et fort leur appartenance à la famille européenne, ils ont été très déçus de ne pas voir leur candidature retenue en tant que candidat. Les Arméniens sont beaucoup plus discrets, pour plusieurs raisons, dont l’attachement viscéral du pays à la Russie, et ne le demandent pas. Quelle serait la position du parlement européen si l'Arménie le demandait ?

L'Union européenne ne force jamais aucun pays à être candidat. On prend en compte les candidatures et ensuite, on regarde si elles sont recevables ou pas. Si la Géorgie n'a pas obtenu le statut de candidat, c'est parce qu'il se passe beaucoup de choses en Géorgie, notamment au niveau du gouvernement, qui interdisent pour le moment la perspective européenne. Nous n'avons pas fermé la porte mais il y a beaucoup trop de signaux qui sont négatifs. De la part de l'Arménie, il n'y a pas eu de demande.

Nous avons la chance, nous européens, que beaucoup de pays veuillent nous rejoindre. D’une manière générale, nous devons aussi nous assurer que les pays qui veulent rejoindre l'Union européenne en partagent les principes, les valeurs et vont sur le chemin de l'Union et pas dans un autre sens. La Turquie est un exemple éloquent d’un pays qui a tourné le dos aux valeurs européennes et la procédure d’adhésion est donc suspendue.