Ordonnance de jure, blocus de facto

Actualité
23.02.2023

La Cour internationale de justice des Nations Unies a rendu le 22 février, une ordonnance favorable à la demande de l'Arménie pour une prise de mesures conservatoires contre l'Azerbaïdjan exigeant la réouverture du corridor de Latchine.

Par Olivier Merlet

 

« La Cour, par treize voix contre deux, indique que, dans l'attente d'une décision finale dans cette affaire, l'Azerbaïdjan est tenu de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour assurer la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine, dans les deux sens, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention * »

Le communiqué du tribunal de La Haye est sans équivoque et exige donc de Bakou la réouverture immédiate de la seule ligne de vie reliant le Karabagh au reste du monde, et à l'Arménie bien sûr. En revanche, elle rejette dans le même temps, et à l'unanimité de ses membres, la demande jugée infondée émise par Bakou réclamant de l’Arménie qu'elle « cesse et s’abstienne à l’avenir de poser des mines terrestres et des pièges dans les zones du territoire de l’Azerbaïdjan où les civils azerbaïdjanais retourneront et renonce à utiliser le corridor de Latchine à cette fin »

L'Arménie n'est toutefois pas parvenue à obtenir gain de cause sur la reconnaissance de la culpabilité de l'Azerbaïdjan pour les interruptions des fournitures de gaz nature dont il est pourtant à l'origine.

Erevan salue bien sûr les décisions de la Cour internationale de justice. « Nous sommes également heureux de voir la vérité prévaloir », a twitté le ministre des Affaires étrangères Ararat Mirzoyan, « car le tribunal a intégralement rejeté la contre-demande de l'Azerbaïdjan ».

Si l'ordonnance principale rendue contre Bakou concernant la levée du blocus du corridor de Latchine possède une valeur juridique contraignante indéniable, son exécution sur le terrain laisse en revanche dubitatif bien des observateurs. Le service de presse du Comité international de la Croix Rouge contacté ce jeudi matin confirme « n'avoir constaté aucun changement de la situation ni des conditions dans lesquelles il continue à mener ses opérations d'urgence et de transfert des malades de Stepanakert à Goris ».

Le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères remarquait de son côté que « dans son ordonnance, la Cour a pris note de la représentation de l'Azerbaïdjan selon laquelle l'Azerbaïdjan a et s'engage à continuer de prendre toutes les mesures en son pouvoir et à sa disposition pour garantir la sécurité des déplacements le long de la route de Lachin et les termes de la déclaration trilatérale du 10 novembre 2020 ». Bakou  précise même avec aplomb : « l'Azerbaïdjan continuera de défendre les droits de tous les peuples en vertu du droit international » .

* Convention internationale de l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD)