Catya Martin, candidate trait d'union... « Pour expliquer »

Arménie francophone
02.06.2022

Expatriée depuis 2002, aux États-Unis tout d'abord puis au Japon et enfin basée à Hong Kong depuis 2008, Catya Martin, est journaliste de métier. À New-York elle écrit dans France-Amérique, premier magazine bilingue anglais-français, pige pour la chaine nippone NHK à Tokyo et lance à Hong Kong son propre média, "Trait d'union", celui d'une relation à la France, distante mais finalement jamais interrompue. A tel point qu'en 2014, portant haut son identité de Française de l'étranger et pour en faire valoir les intérêts, elle fait le choix de la politique. Du journalisme à la politique la frontière est parfois ténue, c'est son parcours.

Prétendante aujourd'hui à la députation de la onzième circonscription de l'étranger, celle de l'Arménie, elle nous fait part de ses aspirations sur certaines des questions liées à sa représentation.

Propos recueillis par Olivier Merlet

Qu'est-ce qui a motivé ce choix de la vie politique ?

Mon père était un gaulliste engagé et il m'a toujours entraîné avec lui dans ses réunions politiques, je ne devais pas avoir plus de quinze-seize ans. J'ai fait mes premières armes chez les "jeunes RPR"*, j'ai participé à la campagne de Jacques Chirac en 1995 et travaillé ensuite comme directrice de la communication, puis de cabinet, d'un maire d'une grande ville de la région parisienne, Serge Dassault à Corbeil-Essonnes. En 2014 j'ai été élue conseiller consulaire pour Hong Kong et Macao et à l'assemblée des Français de l'étranger (AEFE) pour l'Asie-Océanie. Réélue l'an dernier pour ces deux mandats, j'ai estimé, notamment grâce à l'AEFE, que j'avais acquis une maîtrise suffisante des dossiers pour pouvoir aujourd'hui prétendre à la députation. C'est la suite logique.

J'ai été investi par LR, mon mouvement politique, "les Républicains", et j'ai obtenu le soutien de l'"UDI"* ("Union des démocrates et indépendants") et du Nouveau Centre. Je me situe donc sur une droite républicaine, attachée au pouvoir régalien, démocrate et issue de l'immigration, mon père était harki, pas du tout portée aux extrêmes. J'ai d'ailleurs été atterré par le nombre de candidats d'extrême droite sur la circonscription alors que c'est celle qui en compte le moins. Le Rassemblement National, les Patriotes, mouvement dissident du RN et Reconquête, ils sont tous là…

La onzième circonscription des Français établis hors de France comprend quarante-neuf pays, c'est une zone énorme. On reproche souvent à ses députés de faire des choix et de notamment au profit de l'Asie du Sud-Est, vous-mêmes êtes basée à Hong-Kong, que représentent pour vous la région du Caucase et l'Europe Orientale ?

J'habite Hong- Kong, j'ai vécu au Japon, c'est vrai, je connais bien cette partie du monde. Avant la pandémie et la guerre en Ukraine, je vous aurais peut-être répondu différemment mais aujourd'hui on s'aperçoit que l'Europe orientale est tout aussi importante, avec des enjeux énormes. Oui [la onzième circonscription] c'est grand, mais je me souviens du premier député élu sur cette zone, Thierry Mariani. Il faisait partie des députés les plus présents à l'assemblée mais toutes les semaines, du vendredi au lundi, il était sur le terrain. Je crois que c'est cette présence qui a manqué ces dernières années et que j'ai envie de privilégier, tout en fonctionnant par thématique. Selon les sujets traités, comprendre et choisir les secteurs et les pays de la zone qui sont le plus concernés.

Toujours sur cette vaste zone de la 11ème circonscription des Français de l'étranger, l'Arménie compte 410 Français inscrits sur les listes consulaires, un petit pays au sein de cette nébuleuse. Que représente-t-elle réellement dans votre programme ?

Il est certain que par sa taille, l'Arménie ne représente pas quelque chose de très conséquent, mais je ne raisonne pas en termes de nombre d'électeurs, ce serait mener une politique politicienne qui ne mène à rien. Pour moi, n'importe quel pays est important à partir du moment où vous avez des Français qui sont y installés et y vivent.

Je trouve que par rapport à l'Arménie il y a un vrai problème de considération et d'explication de texte. Je ne suis pas persuadé que la majorité des Français soit au fait de ce qui se passe dans cette partie du monde. Pendant la guerre de 2020, dix jours après l'attaque des forces azéries, j'avais cosigné en tant qu'élue consulaire de l'AEFE une lettre ouverte au président de la république pour lui demander d'essayer de ramener la paix. Je n'étais alors pas du tout dans la campagne législative, mais c'était des événements auxquels j'étais sensible.  

Comment percevriez-vous votre rôle de députée de l'étranger ?

Un député n'est pas un ministre des affaires étrangères. En tant que parlementaire, nos actions sont limitées, je ne peux que prendre des positions : lobbying, contacts avec les médias, alerter… Mais in fine, ce sont les ministères qui décident. Je ne veux donc absolument pas me donner des attributions qui ne seraient pas de mon ressort.

J'avais créé un slogan qui était « porter votre voix au plus haut niveau »… Je crois que c'est là notre rôle de député. Parce que nous avons un accès plus facile aux médias, parce que nous pouvons parler et toucher un maximum de personnes grâce à ce statut de parlementaire, nous avons un rôle didactique, celui d'expliquer ce qui se passe. C'est vraiment un point sur lequel j'ai envie d'agir.

À propos de lobbying, il a été reproché à la députée sortante de n'avoir su s'abstraire de celui de l'Azerbaïdjan.

C'était de véritables erreurs, je ne pense pas qu'elles étaient et volontaires, mais elles restent grave. Le lobby a donc ses limites. J'en parle aussi parce que je suis journaliste et que l'un des meilleurs moyens de pouvoir diffuser une information ou de faire pression, c'est via les médias. Ensuite, il faut s'appuyer sur les associations à l'étranger de français comme l'UFE, l'ADFE * ou quel qu'elles soient et qui vont véhiculer des messages un peu partout, là où c'est nécessaire.

Quelle information feriez-vous donc valoir à propos de l'Arménie ?

Je n'y vis pas comme je vous le disais, malgré tout je pense avoir de bons relais sur place et les retours que j'en ai me semble fiables. Deux choses m'ont particulièrement marqué, l'université française en premier lieu et puis la validation du projet d'un institut français a eu lieu à l'occasion des 30 ans des relations diplomatiques. Ce sont de vrais exemples qui mériteraient aussi d'exister ailleurs et que j'ai envie de mettre en avant. Tout ce qui est concret et que l'on peut valoriser d'un pays, notamment vis-à-vis des Français, doit être soutenu.

Ensuite, les thématiques sont quasiment les mêmes d'un pays à l'autre. C'est l'accompagnement et l'aide aux retraités ou aux personnes âgées par exemple. Pour payer leur retraite, la caisse d'assurance-maladie exige d'eux un certificat de vie qu'ils ont souvent un mal fou à se procurer, ou bien on leur demande de se présenter à un rendez-vous en France. Il faut essayer de simplifier et rationaliser tout cela. Les couples binationaux connaissent également de grosses difficultés, notamment ceux qui ne sont pas mariés, on l'a vu avec la crise de la Covid et aussi avec la guerre en Ukraine. On a ainsi demandé aux Français "non essentiels" de quitter la Russie et deux mois après leur retour en France, on a dit à leur conjoint russe que leur visa n'était plus valide, qu'il leur fallait repartir dans leur pays effectuer une nouvelle demande de visa. Des aberrations de ce type ne tiennent absolument pas compte des situations de ces populations à l'étranger alors que ce sont des Français.

Parmi ces thématiques globales, le coût très élevé des frais de scolarité et de la couverture sociale représentent un véritable fardeau pour les familles ou les individuels français à l'étranger. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Je suis une enfant de l'école de Jules Ferry, j'ai effectué ma scolarité dans ces magnifiques écoles publiques françaises. J'avais soutenu le projet de Nicolas Sarkozy quand il avait voulu mettre en place la gratuité dans les lycées français. Il avait demandé aux grandes "corporates" françaises de continuer à payer les frais de scolarité de leurs expatriés pour financer ce programme. Pour mon deuxième mandat à l'assemblée des Français de l'étranger, je me suis d'ailleurs inscrite à la commission de l'enseignement. Ce n'est pas admissible de demander 12 ou 15 000 € par an pour assurer la scolarité des enfants dans des écoles françaises. Cela peut même contraindre leurs parents à les inscrire dans un système scolaire local. La France perd ces enfants-là, c'est ridicule. Je suis favorable à retravailler, soit sur la gratuité, soit sur une remise à plat totale du système de bourses scolaires qui aujourd'hui ne fonctionne pas. Plus de la moitié des personnes qui logiquement devrait y avoir accès ne peut en bénéficier et de surcroit, le budget alloué a été diminué. Ce fameux "rayonnement français" dont nous aimons tant parler est perdu.

La couverture sociale, la CFE (Caisse des Français de l'étranger) est également horriblement chère. Il y avait eu un début de réforme, laborieux, pour essayer d'obtenir des tarifs de mutuelle complémentaire groupés et donc plus avantageux. Je voudrais relancer ce projet et de même, favoriser le financement d'hôpitaux français ou trouver des accords dans tous les pays avec des structures médicales locales qui offriraient des tarifs de soins abordables.

Vous recommanderiez donc une action groupée des députés des Français de l'étranger ?

Là, on n'est plus dans de la politique politicienne, on est un peu comme sur des mandats locaux. Je trouve qu'une fois élue, notre parlementaire actuelle s'est mise dans la peau d'un député français qui vote des lois françaises sans tenir compte des spécificités de sa zone et des Français de l'étranger en général. Or, ces députés ont été créés pour être la voix des Français de l'étranger, pour s'occuper de leurs intérêts. Quelle que soit notre étiquette politique, nos problématiques sont identiques. Avoir une action commune aurait donc encore plus de portée, d'autant plus de force qu'elle viendrait de parlementaires issus de bords différents.

Y a-t-il une cause ou un fait précis qui vous a poussé à cette candidature ?

La cause c'est d'être entendue. J'étais fatigué par ces idées reçues qui disent que l'on est tous partis avec des valises d'argent qu'on cache au fisc, que les Français de l'étranger sont des nantis, que l'on n'a pas le droit d'avoir de problèmes parce qu'on a quitté le pays… Ce n'est pas possible qu'aujourd'hui encore, en 2022, on puisse avoir ce genre d'idées. Il faut donc dire qui on est, ce que l'on fait, ce que l'on apporte au pays surtout, et qu'on est des amoureux de la France. C'est tout cela qui m'a poussé à aller au-delà de mon petit mandat local.

Un dernier mot pour l'Arménie ?

Par rapport à l'Arménie, la seule chose qui est importante pour moi, c'est la reconnaissance et la considération de l'Arménie, que la France ne laisse pas tomber l'Arménie. On a toujours été aux côtés de l'Arménie, il n'y a aucune raison qu'on n'y soit plus, c'est un pays francophile qui a toujours mis en avant la culture française. Pour moi le point important, c'est ça, et que l'Arménie ne devienne pas un dommage collatéral.

Quand prévoyez-vous de vous y rendre ?

J'espère pouvoir le faire dès que je suis élu. Je connais bien la partie où je vis, dans le Sud-Est asiatique, mais je pense que symboliquement ce serait bien d'aller dans un petit pays par la taille et par sa définition sur la zone géographique mais qui est un pays important et j'espère bien pouvoir y aller.

Sur la zone caucasienne votre premier voyage sera donc pour l'Arménie ?

 Si je suis élue oui, je peux m'engager à cela. C'est la première fois que je m'engage de la sorte, mais c'est un engagement que je sais que je tiendrai car il est n'engage rien d'autre que moi.

 

*UFE, l'ADFE : Union des Français de l'étranger et Assemblee democratique des Français de l'étranger

*RPR : Rassemblement pour la République, parti politique français créé en 1976 par Jacques Chirac, classé à droite et se réclamant du gaullisme. Dissout en 2002 au profit de l'UMP (Union pour la majorité presidentielle0

*UDI : Union des démocrates et indépendants, parti politique français de centre droit, fondé par Jean-Louis Borloo le 21 octobre 2012,