Une double délégation économique et politique dirigée par la présidente du Conseil départemental des Bouches du Rhône, Martine Vassal, s’est rendue à l’UFAR le 10 avril pour signer une convention de coopération avec l’université.
Par Victor Demare
D’Erevan à Marseille
Le 10 avril dernier, les étudiants de l’UFAR ont partagé les bancs de leur amphithéâtre avec des chefs d’entreprise français. Les membres de la mission économique chapeautée par la CCIFA (Chambre de Commerce et d’Industrie franco-arménienne) et le Conseil départemental des Bouches du Rhône, les ont en effet rejoints en fin d’après-midi pour la signature d'un nouvel accord-cadre avec l’université concernant l’accueil et la prise en charge des stagiaires de l’UFAR en France.
Mis en place depuis plusieurs années, le système a fait ses preuves : chaque année, des élèves de quatrième année partent notamment dans les Bouches du Rhône, souvent à Aix ou à Marseille, pour un stage professionnel de 7 à 9 semaines. Il y a quatre ans ils étaient moins de cinq, ils seront peu plus de dix cette année.
Les règles du jeu sont simples : parmi ses entreprises partenaires, la CCIFA propose à l’UFAR celles qui seraient en mesure d'accueillir ses stagiaires. Suite à un entretien de sélection, la direction de l'UFAR décide de l’attribution des offres de stage en se basant sur le profil des étudiants, leurs souhaits et les attentes de l’entreprise concernée. CCIFA se charge ensuite de la mise en relation et fournit un logement aux élèves, avec en primeun peu d’argent de poche. Elle st leur réfèrent sur place et permet aux étudiants d’avoir un relai arménien en France.
Devant son audience franco-arménienne, Salwa Nacouzi, la rectrice de l’établissement rappelle que ce système est un jalon fort dans l’identité de l’université qui s'affirme comme résolument professionnalisante, favorisant davantage l'émergence de jeunes entrepreneuses (80 % des élèves sont des femmes) que d’enseignants chercheurs. Cette situation découle directement de l’histoire et des besoins du pays : après la chute de l’URSS, l’Arménie, propulsée d'un coup dans l’économie de marché, s’est retrouvée totalement dépourvue de cadres et cadres supérieurs pour la gestion de ses entreprises. Il a donc fallu en former, l'UFAR y a largement contribué, ce que certains des dirigeants français présents n'ont pas manqué de confirmer et d'en louer la qualité.
« Le miracle arménien »
La rectrice est cependant la première à reconnaitre que cette réussite ne relève pas du seul fait de l'institution mais aussi de ce qu'elle appelle le « miracle arménien », le miracle de ses élèves. Elle parle de leur goût du travail ainsi que d'une endurance à l’effort qui enthousiasment les employeurs. Armen Mnatsakanyan, le directeur de la CCIFA valide : « ils sont ponctuels et à la question de savoir comment ils vont, ils répondent toujours de façon positive ». Avec une ironie toute bienveillante, la rectrice rajoute toutefois que les "râleries" participent aussi du trait culturel et que ses jeunes savent bien comment se plaindre.
Elle note aussi que les étudiants qui partent faire un stage ou poursuivre leurs études en Europe ne cherchent pas nécessairement à s’y installer, au contraire. Une ancienne stagiaire auprès d’une grande banque française le confirme, ne se voyant pas travailler ailleurs qu’en Arménie : « Le but », dit-elle, « c’est de revenir avec des idées et une vision du monde, de mettre les compétences acquises au service du pays ». Dans le secteur bancaire ajoute-t-elle, c’est la personnalisation des services clients qui reste encore à mettre en place, un marché porteur qu’elle entend pouvoir développer.
Si l’un des objectifs de cette rencontre était de communiquer sur les compétences des élèves de l’UFAR, de mettre en avant leur capacité à s’intégrer à l’économie contemporaine, l’idée que cette économie prenne forme et reste arménienne ne doit pas faire de mystère. En réponse au président de la CCIFA qui lançait aux étudiants : « vous êtes l’avenir de l’Arménie, vous êtes le pilier de l’Arménie », la rectrice de l’UFAR s d'ailleurs ajouté : « être employé dans une entreprise c’est bien, mais vous pouvez aussi être entrepreneurs et monter votre propre entreprise ».
La coopération et la mémoire
Martine Vassal, la présidente du Conseil Département des Bouches du Rhône, qui avait été retenue par une réunion avec le président arménien, fait son entrée. De nouveaux applaudissements retentissent dans la salle et la convention est bientôt signée. Elle stipule que la coopération entre la France et l’Arménie allant grandissante, l’UFAR et la CCIFA s’engagent sur ce même chemin, la première sélectionnant pour la seconde ses meilleurs étudiants, cette dernière s'engageant au travers de ses entreprise membres, à fournir et financer les stages qui permettront aux jeunes Arméniens d'acquérir une première pratique professionnelle. Le document assure également du soutien des parties à "l’Accélérateur 28", l’incubateur d’entreprises lancé il y a trois par l'UFAR, de leur côté, les Bouches du Rhône reconduisent leur soutien financier tout en mettant l’accent sur le rayonnement de la Francophonie en Arménie. Tout est bien qui continue bien.
Au moment de clore son discours, Martine Vassal assure que « la France est et restera aux côtés de l’Arménie quoiqu’il en coûte et quoi qu’il se passe. Non seulement sur le plan économique, mais aussi sur celui de l’amitié et de la mémoire ». Les mots ne sont pas vains, ses grands-parents s'appelaient Kalenderian… Il n’est certes pas évident d'évaluer le secours de l’amitié en situation de guerre, mais dans un geste de mémoire, patrons et élèves, élus locaux et responsables de l’université sont allés rendre hommage aux treize des étudiants ufariens disparus à la guerre.
Au détour d’un couloir du premier étage, leurs portraits photographiques sont accrochés au mur, le regard fixe, l’allure fière, dans une scénographie qui fait beaucoup penser à celle que l’on retrouve sur les tombes de Yerablur, le cimetière militaire d’Erevan. À quelques mètres de là, sur une petite terrasse extérieure, un monument a aussi été érigé en leur honneur. Sur une stèle de pierre, treize pommes-grenades y sont gravées en mémoire de ces treize morts qui eux aussi se sont engagés « au service du pays ». Et pendant une minute, la délégation française a gardé le silence, soucieuse peut-être, de joindre à la collaboration économique, une autre forme de partage.