Nikol Pashinyan à Tavush : « Si les questions sont sans réponse, cela signifie que nous n’avons pas de solution »

Actualité
19.03.2024

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a rencontré le 18 mars les riverains des 4 villages frontaliers du Tavush dont il a décidé la restitution unilatérale à l'Azerbaïdjan.

Par Olivier Merlet

 

« Nous ne devons pas permettre la guerre, nous ne devons pas permettre que la guerre éclate. Et c'est aussi la raison pour laquelle nous avons décidé d'ajuster la frontière de la République d'Arménie dans ces zones », a justifié hier Nikol Pashinyan, devant les représentants des communautés de Voskepar, Kirants, et Baghanis, l'annonce faite la semaine dernière de la rétrocession à l'Azerbaïdjan des quatre villages dont ils sont riverains.

Dans la salle de la Maison de la culture de Voskepar où se tenait la réunion, les visages étaient graves. Selon Voskan Sargsyan, l'ancien correspondant d'Aravot dans le Tavush, l'accueil réservé au Premier ministre a été « très froid, voire peu hospitalier. Lorsque Pashinyan est entré dans la salle, la moitié du public ne s'est pas levé ». Des trois heures et demie de discussion, seul un extrait vidéo officiel de 41 minutes, enregistré par les services du Premier ministre, en constitue l'unique témoignage direct et autorisé. « Les réunions ont été entièrement enregistrées sur vidéo mais les parties contenant des éléments secrets ne seront pas publiées », confirmera d'ailleurs plus tard Nikol Pashinyan, de retour à la préfecture du Tavush à Ijevan.

« Le processus de démarcation des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan entre dans sa phase pratique » déclare le Premier Ministre sur l'enregistrement vidéo, « cela signifie aller situer sur le terrain là où commence la République d'Arménie. Nous savons tous, vous savez mieux que moi où elle commence et où elle finit ». Il poursuit : « Le processus est le suivant : les commissions de démarcation doivent aller décider là où commence la République d'Arménie et que doit devenir la frontière d'État entre la République d'Arménie et la République d'Azerbaïdjan […] Le protocole est le suivant : nous voyons que nous pouvons entamer un véritable processus de délimitation et de démarcation dans cette partie, de Baghanis à Berkaber ».

Interrogé sur les garanties dont il disposait pour affirmer que la restitution des territoires de ces quatre villages empêcherait l'avancée des troupes azerbaidjanaises et le déclenchement de nouveaux affrontements militaires, Nikol Pashinyan a répondu qu'il n'en avait aucune, mais qu'il avait « l'espoir que l'Azerbaïdjan ne se comporterait pas ainsi ».

À la question de savoir pourquoi ce protocole ne s'occupait pas en premier lieu des 31 villages d'Arménie actuellement occupés par l'armée azerbaïdjanaise, il a opposé cette réponse inachevée : « si nous nous appuyons sur la logique selon laquelle nous avons 31 colonies dans un état problématique - elles sont elles-mêmes moins que cela - l'Azerbaïdjan réfute cet argument en affirmant que la zone résidentielle des villages n'est pas sous son contrôle. Bien sûr, nous rétorquons, nous disons que le village, ce n'est pas seulement l'administration du village, le village, c'est aussi ses domaines vitaux, lors de ces discussions, nous apportons tous les arguments, et ces arguments sont justes ».

Pour les participants interrogés à la sortie de leur réunion avec le Premier ministre, ce dernier n'a pas réellement apporté de réponse claire à leurs préoccupations. Il a toutefois promis que toutes les questions seraient prises en compte, soumises au gouvernement et qu'aucune ne serait laissée sans réponse, ajoutant de même que les négociations n'étaient pas achevées. « Si cela reste sans réponse, cela signifie que nous n’avons pas de solution à la question ».

Nikol Pashinyan a promis de revenir rencontrer les habitants de Tavush en cas de décision finale. « Il a dit : jusqu'à ce que quelque chose de définitif se produise, je viendrai. Je viendrai et je te reparlerai », rapporte un habitant de Kirants, interrogé par la presse locale. « Nous avons dit que nous avions des terres là-bas. Il a dit : c'est sur notre carte, c'est notre territoire. Eh bien, c'est notre territoire, mais s'il est venu, que leur armée vient et s'installe ici, comment passerons-nous pour aller cultiver nos terres ? Il arrivera la même chose qu'au Karabakh. Nous sortirons seuls pour aller quelque part, ils nous attraperont, nous emmèneront, ce sera encore comme ça. Nous ne pourrons pas aller sur nos terres, nous ne pourrons pas laisser nos enfants aller seuls à l'école ».