
Depuis 17 ans, le festival ReAnimania célèbre le cinéma d’animation sous toutes ses formes. Cette semaine d’ébullition artistique rassemble professionnels aguerris et jeunes talents d’Arménie, du Caucase et du monde entier autour de projections, ateliers et concours. Évènement régional puis international, la francophonie y était bien représentée. Le film Marcel et Monsieur Pagnol y ouvrait cette année les festivités devant un amphithéâtre comble, soulignant le renforcement de l’ouverture au monde de la dynamique industrie d’animation arménienne.
Par Camille Ramecourt et Béatrice Ramos
Du patrimoine de l’animation soviétique à un festival multifacette moderne
Le cinéma d’animation arménien est considéré être né en 1938, lorsque Lev Atamanov (Levon Atamanyan), né à Moscou, a déménagé à Erevan afin d’y réaliser Chien et Chat, basé sur le conte d’Hovhannes Tumanyan. Il réalisa deux autres films en Arménie et de nombreux autres en Russie, acquit une reconnaissance internationale et laissa son empreinte sur le cinéma d’animation jusqu’à influencer Hayao Miyazaki.
Conscient de cet héritage, Vrej Kassouny, après ses premières expériences d'animation à Erevan, a fondé ReAnimania (ReAnimania Int. Animation Film and Comics Art Festival of Yerevan) en 2008. Après des débuts dans la publicité, il a voulu concevoir un espace pour les créateurs et artistes de l’animation d’aujourd’hui, tout en mettant en lumière le patrimoine national. C’est ainsi que le festival a cette année rendu hommage au père du cinéma d’animation arménien, en proposant une rétrospective de ses trois films réalisés à Erevan, Le Chien et le Chat, le Prêtre et la Chèvre, et le Tapis Magique.
Vrej Kassouny, né en Syrie et ayant travaillé au Koweit et au Liban, avait depuis longtemps en tête de faire rayonner l’animation arménienne à travers le monde. Avec plus de 40 000 spectateurs et 230 acteurs de l’industrie jurés, en plus de conférenciers et sponsors, le festival a créé un espace d’échange unique pour que les nouveaux talents arméniens montrent leur travail au monde entier. Le festival vise à établir des ponts dans l’industrie de l’animation entre Est et Ouest, comme le montrent la diversité d’origine des panels de jurés, des films et ouvrages présentés.
Reanimania est composé de 3 volets, un cinématographique, un dédié à la bande dessinée, et Marani, un “marché de l’animation” (Marani venant de la contraction de Market et Animation). La plateforme de co-production CoReAct permet dans ce cadre à 11 animateurs Arméniens de soumettre leur projet à des experts internationaux, et pour les vainqueurs de recevoir un soutien financier. En plus des concours auxquels peuvent postuler artistes locaux et internationaux, le festival propose des ateliers, des conférences et des sessions de pitch en plus d’occasions d’élargir son réseau à un public qui, d’abord régional, s’internationalise de plus en plus. Reanimania se fait pour et par des acteurs de l’animation du monde entier et jeunes talents arméniens. Depuis 17 ans, ceux-là sont devenus des professionnels du milieu et Vrej est heureux de la reconnaissance et de la confiance en eux que leur a apporté le festival.
L’animation arménienne ouverte sur le monde et attractive à l’international
La francophonie, en plus d’une représentation quotidienne, a bénéficié d’une place d’honneur dans l’édition 2025 de ReAnimania. Le film belgo-luxembourgo-français réalisé par Sylvain Chomet fut projeté deux fois, la première pour la cérémonie d’ouverture. Ce fut l’occasion pour Eric Goossens, son producteur, de se rendre pour la première fois en Arménie. Connaissant de longue date Vrej Kassouny, celui-ci a confié à l’audience avoir rencontré de nombreux talents arméniens, dont il ne doutait par ailleurs pas, l’équipe du film comportant une Erévanaise. Le pari aurait pu être risqué d’ouvrir sur une œuvre centré sur un auteur franco-français, pouvant être un peu “frenchy” concédait le producteur. Mais il eut raison de penser que les messages du film seraient universellement reçus, même par les spectateurs ne connaissant pas Marcel Pagnol, car ils se pressaient pour lui adresser leurs félicitations ou lui poser des questions à l’issue de la représentation.
Eric Goossens se dit sentir que “quelque chose se passait entre les pays européens et l’Arménie”. Cette collaboration, dans le domaine du cinéma, est actée depuis 2016 lorsque l’Arménie a rejoint Eurimage, fonds de soutien culturel du Conseil de l’Europe. Eurimage, en plus d’être partenaire du festival, qui avait financé en 2019 Aurora, l’étoile arménienne, soit l’un des visages de la nouvelle vague de cinéma d’animation arménienne. Le film, réalisé par Inna Sahakyan, documentaire animé coproduit entre l’Arménie, l’Allemagne et la Lithuanie, avait représenté le pays aux Oscars du meilleur film international de 2022, illustrant tout le dynamisme du secteur pour le pays.









