Le CICR précise ses marges de manœuvre

Région
10.01.2023

Le 9 janvier à Stepanakert, des mères de famille se sont rassemblées pacifiquement devant le bureau du Comité international de la Croix-Rouge pour le Haut-Karabakh pour l'exhorter à utiliser toutes ses connexions pour prévenir la catastrophe humanitaire qui menace en Artsakh.

Par Olivier Merlet

Certaines voix s'élèvent au Karabakh pour pointer du doigt la Croix-Rouge internationale. Elles lui reprochent de ne pas mettre en œuvre tous les puissants leviers dont elle dispose pour au moins atténuer les conséquences humanitaires et sanitaires du blocus auquel est soumis le Karabakh depuis près d'un mois. Comme il est d'usage, le CICR se retranche derrière son principe de nécessaire neutralité, règle qui prévaut depuis sa création mais qui l'autorise aussi à intervenir plus ou moins librement en zone de conflit, en accord et en relation avec toutes les parties prenantes.

Interrogée à ce sujet, Zara Amatuni, responsable de la communication et de la prévention de la délégation arménienne du CICR reconnaît que les attentes de la population Karabkhtsie vis-à-vis de son organisation sont d'autant plus élevées que la Croix-Rouge est devenue en 30 ans de présence quasi-ininterrompue, l'institution humanitaire de référence sur le terrain. « La situation est extrêmement préoccupante et les gens ne voient pas grand-chose venir d’où que ce soit en termes d'assistance ou d'espoir de sortie de cette crise. Ils connaissent notre travail et beaucoup comptent sur nous. Toutefois, quelle que soit l'action ou les "gestes" que nous puissions organiser en ce moment, aucun ne relève et ne peut relever de notre initiative. Nous avons à ce jour exécuté toutes les requêtes que nous ont soumises les autorités ».

Celles décidées par Stepanakert bien sûr, depuis le 12 décembre, qui juge et estime la nécessité de chaque opération. « Pour chacune d'entre elles, pour chaque passage du corridor, nous devons cependant nous assurer de l'accord et de la coopération des trois parties : azerbaïdjanaise, via notre délégation de Bakou, arménienne, via le bureau d'Erevan, et avec tous les services concernés au Karabagh, via notre structure sur place. Il s'agit d'un travail de coordination et d'harmonisation des parties, de facilitation et d'accompagnement de leur processus de décision ».  Le commandement des forces russes de maintien de la paix n'en est pas réellement partie prenante, selon Zara Amatuni, toutefois, garant de la sécurité de toute circulation sur le corridor, il est bien entendu averti de chaque déplacement. Avec lui aussi le contact est permanent. Du côté d'Erevan enfin, il convient de s'assurer en cas d'évacuation de malade que celui-ci pourra bien être accueilli et pris en charge dans les meilleures conditions par les services compétents, à Goris ou dans la capitale.

Depuis le blocage du corridor, Le CICR a pu évacuer sur l'Arménie 15 malades et permis l'acheminement le 25 décembre, par ses propres moyens logistiques, de 10 tonnes de médicaments, de lait pour nourrissons et de rations alimentaires de première nécessité vers les hôpitaux et dispensaires de Stepanakert.

« Au final, et cela arrive souvent, on peut bien nous reprocher de ne pas en faire assez en tant qu'organisation humanitaire. Mais la situation est extrêmement sensible et complexe, pas seulement un problème humanitaire. Elle recouvre de nombreux aspects et peut être interprétée de points de vue très différents, des considérations politiques que nous nous interdisons de commenter et qui ne permettent en aucune façon de faire porter les responsabilités sur l'une ou l'autre des parties. On ne peut pas reprocher aux autorités du Karabakh de décider qui, précisément, doit être évacué lorsque ce sont tous ses habitants qui ont besoin d'aide. Et lorsque les autorités azerbaïdjanaises disent "ok, nous laissons partir tous ceux qui le souhaitent", alors qui est à blâmer ? Qui ne fait pas son travail ? Mais encore une fois, il s'agit d'un processus global et nous nous interdisons de commenter les questions qui entourent nos discussions avec les parties ».