Sergeï Lavrov craint une perte de souveraineté dans la sécurité nationale de l'Arménie

Actualité
28.12.2023

Dans une interview à l'agence Tass publiée ce 28 décembre, Sergeï Lavrov rappelle toute l'importance de l'Arménie au sein des préoccupations de la politique étrangère russe et, de nouveau, la met en garde contre ses propres orientations.

Par Olivier Merlet

 

Dans un exercice rituel de fin d'année, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, s'est livré pour l'agence Tass à une revue des terrains sur lesquels est engagée la diplomatie russe, son bilan du monde pour l'année écoulée et ses perspectives pour celle qui s'annonce, guère meilleure que la précédente.

Il évoque le conflit israélo-palestinien, la guerre en Ukraine, la course aux armements et la crainte du recours au nucléaire, avec, en toile de fond, au premier plan même, l'affrontement, par nations interposées, avec une OTAN ressuscitée, la fracture Est-Ouest plus marquée que jamais, les États-Unis en ligne de mire.

La scène caucasienne figure aussi cette sanglante partie d'échecs russo-américaine, Sergeï Lavrov le rappelle. Loin d'en être une pièce-maîtresse mais bel et bien le pion - l'un comme l'autre des protagonistes s'en cachent à peine - l'Arménie est une fois de plus mise en garde contre les choix de sa politique étrangère.

 

Sergeï Lavrov: « Malheureusement, les autorités d'Erevan, cédant à la persuasion des Occidentaux, tentent de reformuler sa ligne de politique étrangère. Elles n’échangent pas leur alliance éprouvée avec Moscou contre une aide concrète de l’Occident, mais seulement contre de vagues promesses. Pour justifier un tournant stratégique, elles tentent de rendre la Russie responsable de tous les troubles de la république, y compris la perte du Karabakh. Nous avons exprimé publiquement à plusieurs reprises les préoccupations russes - il ne sert à rien d'énumérer à nouveau les mesures hostiles des autorités arméniennes.

L'Arménie d'aujourd'hui a été et reste un partenaire stratégique dans le Caucase du Sud. Nous sommes convaincus que toutes les difficultés sont temporaires et seront surmontées s’il existe une volonté politique. C'est le développement durable et systématique des relations russo-arméniennes qui répond aux intérêts fondamentaux des peuples de nos deux États, qui ont des valeurs communes et un code culturel unique.

Les liens commerciaux et économiques ainsi que le dialogue industriel se développent à un rythme impressionnant entre Moscou et Erevan. C'est le fondement des relations entre les deux pays, ainsi que l'aide la plus importante pour la durabilité de l'économie arménienne et le bien-être de la population arménienne. La croissance rapide du PIB de la république ces dernières années est due en grande partie à la coopération avec la Russie et à l'adhésion d'Erevan à l'Union économique eurasienne. Les 14 et 15 décembre, la 22e session de la Commission intergouvernementale de coopération économique, coprésidée par les vice-premiers ministres, s'est tenue à Erevan. L'année prochaine, l'Arménie présidera l'EAEU. Nous souhaitons du succès à nos collègues.

L'Arménie est actuellement confrontée à un certain nombre de défis. De plus, il ne sera pas possible de les arrêter avec l’aide des acteurs occidentaux. Les États-Unis et l’Union européenne, contrairement à la Russie, ne cherchent pas à apporter la paix et la stabilité à la république [d'Arménie] et au Caucase du Sud dans son ensemble. Leur tâche est complètement différente : évincer Moscou et les autres puissances régionales, créer une nouvelle source de tensions après les Balkans, le Moyen-Orient et l’Ukraine. La solution à cette situation difficile est évidente : mettre en œuvre les accords trilatéraux d’Erevan, Bakou et Moscou au plus haut niveau.

Nous considérons comme préjudiciables les discussions sur l'opportunité de la 102e base militaire russe sur le territoire arménien. L'accord sur son déploiement a été conclu le 16 mars 1995, sur la base principalement des intérêts nationaux et de l'objectif commun de nos États de renforcer la stabilité dans le Caucase du Sud. Aujourd’hui, nos militaires constituent un élément clé pour assurer la paix dans cette région.

Récemment, Erevan a développé sa coopération avec l'OTAN et ses différents pays membres. Cette année, l'Arménie a participé à plusieurs dizaines d'événements avec l'alliance. Elle continue de moderniser ses forces armées selon les normes de l'OTAN ; les républiques militaires suivent une formation dans plusieurs États du bloc de l'Atlantique Nord.

Cela ne peut que nous inquiéter. Nous avons attiré à plusieurs reprises l’attention de nos collègues arméniens sur le fait que le véritable objectif de l’OTAN est de renforcer ses positions dans la région et de créer les conditions d’une manipulation selon le schéma "diviser pour régner". J'espère qu'Erevan est conscient que l'approfondissement de l'interaction avec l'alliance conduit à une perte de souveraineté dans le domaine de la défense et de la sécurité nationales ».