Pour une aide humanitaire juste: Teresa Mkhitaryan et l'association Germoglio

Société
19.12.2018

Au lendemain du tremblement de terre du 7 décembre 1988, des domiks – préfabriqués destinés à reloger les sinistrés – ont servi de domicile à de nombreuses familles de Gumri. Pour certains, le temporaire s'est transformé en durable ; trente ans plus tard, il existe encore des familles vivant dans des domiks à Gumri. Un quartier de la ville est même appelé Domikavan, autrement dit « Domikville ». Le Courrier d'Erevan continue la série d'articles sur le séisme de 1988 et ses conséquences.

Par Agnès Ohanian

Basée en Suisse, l'association Germoglio a été fondée et est dirigée par Teresa Mkhitaryan. L'une de ses actions est de venir en aide aux familles de Gumri qui n'ont toujours pas de logement en dur aujourd'hui. Après avoir passé son enfance en Arménie, Teresa vit depuis vingt ans en Suisse. Lors d'un séjour à Erevan quelques années auparavant, elle a pris conscience de l'importance de la pauvreté en Arménie, et a décidé d'agir.

Elle a d'abord organisé des collectes de nourriture auprès des clients d'un supermarché de la capitale. La pratique de la banque alimentaire, très répandue en Europe, n'existait alors pas en Arménie. Malgré tout, dès la première année, les clients ont fait preuve d'une grande solidarité et six tonnes de nourriture ont été récoltées en une journée. La nourriture collectée a alors répartie en « winter package » distribuées aux familles pour les aider à passer l'hiver.

À ce moment, l'association Germoglio n'existait pas encore, mais face à l'enthousiasme général, Teresa a décidé de concrétiser son projet.

Elle s'est alors intéressée en profondeur à la question de la pauvreté en Arménie, et a décidé de concentrer ses efforts sur Gumri, chef-lieu de la région du Shirak, la plus pauvre du pays. Elle a alors découvert qu'environ un enfant sur cinq souffrait de malnutrition, ce qui a des conséquences particulièrement néfastes sur une société qui souffre déjà de bien d'autres maux. Selon Teresa Mkhitaryan, le problème de la pauvreté en Arménie serait en grande partie dû à une mauvaise approche ainsi qu'à une mauvaise gestion de l'aide.

« En Arménie, on pense que l'argent règle les problèmes. C'est faux. Il faut d'abord réfléchir aux différentes solutions, commencer par trouver des solutions abordables, plutôt que d'attendre l'arrivée d'un bienfaiteur. Réfléchir aux solutions justes, plutôt que de penser que l'argent résoudra tout. » Selon Teresa, ce n'est pas le manque d'argent mais la mauvaise approche du problème qui fait que Gumri ne s'est toujours pas relevée depuis trente ans. Son activité professionnelle dans le domaine de la finance en Suisse lui permet de comprendre que chaque étape est nécessaire. Sauter les étapes ne peut être que nuisible pour la construction d'un projet durable. Les choses se font petit à petit, c'est d'ailleurs pour cela que l'association porte le nom de Germoglio, comme le germe d'une plante... 

En 2018, le problème du logement à Gumri est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Certaines familles vivent dans des domiks reçus depuis le tremblement de terre, d'autres y vivent en location n'ayant pas les  moyens de louer un appartement, d'autres domiks encore sont laissés à l'abandon sans pour autant être détruits. Aujourd'hui, un véritable business de domiks s'est développé à Gumri, auquel Teresa Mkhitaryan fait face dans son travail. L'association Germoglio s'est ainsi imposée une discipline stricte de vérifications des informations et de suivi des familles. Par ailleurs, une fois les familles relogées, les domiks sont systématiquement détruits.

« En Arménie, on pense que l'argent règle les problèmes. C'est faux. Il faut d'abord réfléchir aux différentes solutions, commencer par trouver des solutions abordables, plutôt que d'attendre l'arrivée d'un bienfaiteur. Réfléchir aux solutions justes, plutôt que de penser que l'argent résoudra tout. »

Le système corrompu qui s'était installé en Arménie depuis la chute de l'URSS en 1991 a considérablement freiné le développement du pays. Gumri en est une des premières victimes avec une exploitation des données afin de capter l'aide humanitaire de l'étranger. Selon Teresa Mkhitaryan, il y aurait aujourd'hui une centaine de familles sinistrées du tremblement de terre qui vivrait dans des domiks, tandis que les chiffres avancés parlent de plusieurs milliers...

« C'est bien la preuve que l'argent ne résout pas les problèmes », lance Teresa Mkhitaryan. Selon elle, pour fournir une aide humanitaire juste, il faut consacrer le temps nécessaire.

Aujourd'hui, la fondatrice de Germoglio partage son temps entre la Suisse et l'Arménie. Depuis 2016, elle a pu venir en aide à plus de trente familles en leur fournissant un logement.

NB. La prochaine collecte des aliments pour les familles défaforisées aura lieu ce Samedi 22 décembre, au Centre Aznavour, à Erevan.