« Résilience, résilience… Vous avez dit résilience ? »

Actualité
28.03.2024

L'annonce du sommet Pashinyan - Blinken - Von der Leyen prévu la semaine prochaine à Bruxelles a bien sûr suscité les vives réactions de Bakou, Erevan y a répondu hier soir, Washington ce matin.

Par Olivier Merlet

 

Il y a tout juste une semaine, Armen Grigoryan confirmait la tenue d'un engagement d'Ursula Von der Leyen pris à Grenade en octobre dernier d'organiser une réunion tripartite exceptionnelle Europe – Arménie - États-Unis. Elle aura lieu le 5 avril à Bruxelles, sans l'Azerbaïdjan, « l'événement vise également à renforcer la résilience de l'Arménie » précisait le secrétaire du Conseil de sécurité arménien.

Hier 27 mars, Bakou, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, qualifiait ce rendez-vous de « partial, fondé sur deux poids, deux mesures, n'y associant pas la région et contredisant l'établissement de la confiance indispensable [dans la région, NDLR]. […] Sur fond de sentiments revanchards à Erevan, l'attitude ouvertement pro-arménienne de Washington et Bruxelles peut créer en Arménie l'illusion dangereuse de leur soutien dans le cas d'éventuelles provocations contre l'Azerbaïdjan. Ils partagent la responsabilité de toute action déstabilisatrice de l'Arménie ».

Dans la soirée, Erevan diffusait en réponse un communiqué sous forme d'une interview publiée sous la forme d'une interview donnée à l'agence officielle Armenpress - nous la reproduisons sous ces lignes -,  « cette réunion de haut niveau vise à développer et à approfondir nos relations existantes, elle n'est pas liée aux relations avec des pays tiers. Toute allégation selon laquelle elle serait dirigée contre quelqu'un d'autre est hors de propos, sans fondement et fictive », dit-elle en substance.

 À Washington la nuit dernière - décalage oblige - le porte-parole du département d'État américain déclarait, reprenant et complétant les mots mêmes d'Armen Grigoryan : « La réunion de Bruxelles se concentre sur la résilience économique de l'Arménie, qui s'efforce de diversifier ses partenariats commerciaux et de répondre aux besoins humanitaires ». Interrogé sur le fait que les questions relatives à l'Azerbaïdjan soient abordées, Matthew Miller a « suppos[é] que dans ce type de conversation, il est toujours possible qu'elles soient soulevées en marge de la réunion, mais ce n'est pas son objet ».

 


 

Réponse du ministère arménien des Affaires étrangères à son homologue azerbaïdjanais :

 

Armenpress : La partie azerbaïdjanaise, se référant à la prochaine réunion Arménie-UE-USA, la décrit comme n'étant pas inclusive, et note qu'elle pourrait également pousser l'Arménie à déstabiliser la situation dans la région.

Ani Badalyan – porte-parole du ministère des Affaires étrangères : La réunion de haut niveau entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le premier ministre de la République d'Arménie Nikol Pashinyan, prévue le 5 avril à Bruxelles, est consacrée au renforcement de la coopération entre l'Arménie, l'Union européenne et les États-Unis et n'est pas et ne peut pas être dirigée contre une tierce partie.

Quant aux accusations de l'Azerbaïdjan de déstabiliser la situation dans la région et au manque de constructivité de la partie arménienne dans le processus de négociation, permettez-moi de réaffirmer que l'Arménie est prête à la signature immédiate du traité de paix, à la délimitation des frontières et à l'ouverture des communications régionales sur la base des principes déjà convenus avec l'Azerbaïdjan. Nous parlons des trois principes suivants :

a) L'Arménie et l'Azerbaïdjan reconnaissent mutuellement leur souveraineté et leur intégrité territoriale sur la base de la Déclaration d'Alma-Ata de 1991. Ce principe a été convenu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 6 octobre 2022 à Prague, avec la médiation d'Emmanuel Macron, président de la France, et de Charles Michel, président du Conseil de l'UE, puis réitéré les 14 mai et 15 juillet 2023 à Bruxelles avec la médiation de Charles Michel, président du Conseil de l'UE.

b) Le processus de délimitation et de démarcation entre les deux pays est mené sur la base de la déclaration d'Alma-Ata. Ce principe a été convenu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 6 octobre 2022 à Prague, avec la médiation du président français Emmanuel Macron et du président du Conseil de l'UE Charles Michel, puis réaffirmé les 14 mai et 15 juillet 2023 à Bruxelles avec la médiation du président du Conseil de l'UE Charles Michel. Cela signifie qu'au lieu de créer une nouvelle frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, les frontières qui existaient de jure au sein de l'URSS au moment de l'adoption de la déclaration d'Alma-Ata de 1991 devraient être reproduites sur le terrain. Par la suite, les territoires appartenant de jure à chaque pays doivent être sous le contrôle de ce dernier.

c) Le déblocage des communications régionales, dans le respect de la souveraineté et de la juridiction des pays traversés, sur la base du principe d'égalité et de réciprocité. Ce principe a été convenu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 15 juillet 2023 à Bruxelles, avec la médiation du président du Conseil de l'UE Charles Michel. Sur cette question, la République d'Arménie a exprimé sa volonté en développant le projet "Carrefour de la paix", qui a été largement salué par la communauté internationale.

Malheureusement, la partie azerbaïdjanaise retarde et sape le processus de paix sous divers prétextes artificiels, notamment en rejetant continuellement les propositions de médiation faites par l'UE et les États-Unis. Au lieu de se plaindre de la non-inclusivité, l'Azerbaïdjan pourrait finalement accepter les propositions de rencontre au niveau des ministres des affaires étrangères à Washington et au niveau des chefs d'État à Bruxelles. Il serait peut-être également pertinent de mentionner les actions continues de l'Azerbaïdjan, les efforts visant à exclure l'Arménie des projets régionaux, sapant le principe d'inclusion de toutes les manières possibles, dont un exemple frappant se reflète dans l'entrave à la participation de l'Arménie au projet de câble sous-marin de la mer Noire.

 

La partie azerbaïdjanaise s'est à nouveau plainte de la mission d'observation de l'UE en Arménie. Que diriez-vous à ce sujet ?

Il est important d'évaluer la situation sécuritaire dans laquelle le déploiement de la mission de l'UE a été effectué. Il a fait suite à l'attaque et à l'occupation à grande échelle du territoire souverain de la République d'Arménie par l'Azerbaïdjan en septembre 2022. Aujourd'hui encore, environ 208 kilomètres carrés du territoire souverain de la République d'Arménie sont occupés par l'Azerbaïdjan. Nous apprécions grandement le rôle de la mission d'observation de l'UE dans le contexte de la dissuasion des intentions de recours à la force dans la région et du renforcement de la stabilité à la frontière interétatique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Nous saluons également la décision prise par l'UE il y a plusieurs mois concernant l'augmentation des effectifs de la mission. Il convient également de rappeler que lors de la réunion quadrilatérale qui s'est tenue à Prague le 6 octobre 2022, l'Azerbaïdjan lui-même a salué la proposition faite par le Président du Conseil de l'UE et le Président de la France de déployer une Mission d'observation de l'UE non seulement en Arménie mais aussi en Azerbaïdjan. Malheureusement, l'Azerbaïdjan a ensuite abandonné cette position.

 

Qu'attend la partie arménienne de la réunion de haut niveau Arménie-USA-UE prévue le 5 avril ?

Cette réunion constitue une occasion précieuse de discuter des programmes bilatéraux Arménie-États-Unis et Arménie-UE, ainsi que des questions relatives à la coopération entre l'Arménie, les États-Unis et l'UE. Nous prévoyons des discussions de fond sur le dialogue politique, le développement des capacités économiques et énergétiques de l'Arménie, ainsi que sur les questions humanitaires auxquelles l'Arménie est confrontée. La réunion de haut niveau vise à développer et à approfondir nos relations existantes et n'est pas liée aux relations avec des pays tiers. Toute allégation selon laquelle elle serait dirigée contre quelqu'un d'autre est hors de propos, sans fondement et fictive.