Deuxième audition publique du Premier ministre sur le déclenchement et le déroulement de la guerre des 44 jours

Actualité
27.06.2023

Le Premier ministre Nikol Pashinyan répondait pour la deuxième fois ce 27 juin aux députés de la commission d'enquête parlementaire sur la guerre de l'automne 2020.

 

Après une première session le 20 juin dernier, Nikol Pashinyan a de nouveau témoigné devant les députés de l'Assemblée nationale du contexte dans lequel s'est déroulée la troisième guerre du Karabagh en septembre octobre 2020. Comme la semaine dernière, de nombreux députés des partis d'opposition ont boycotté l'audience, dénonçant ce qu'ils appellent un "spectacle". On apprend par ailleurs incidemment, des propos mêmes du Premier ministre, que d'autres auditions se poursuivront à huis-clos.

Extraits :

 

Robert Kocharyan aurait discuté de l'option d'échange Meghri-Nagorno Karabakh avec Heydar Aliyev en 1999

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a déclaré qu'il possédait des informations selon lesquelles Robert Kocharyan, pendant sa présidence, avait envisagé d'échanger la ville arménienne de Meghri, à la frontière iranienne, contre le Haut-Karabakh.

La proposition aurait eu lieu dans le cadre de négociations menées avec Heydar Aliyev en 1999, le père du dirigeant azerbaïdjanais actuel , , lors d'une rencontre à Sadarak au Nakhitchevan.

Nikol Pashinyan a déclaré tenir l'information de Vagharshak Harutyunyan, l'actuel ambassadeur d'Arménie en Russie, à l'époque ministre de la Défense (de meme qu'a l'automne 2020). Harutyunyan aurait également déclaré que l'option Meghri, pour Kocharyan, était à même de résoudre le conflit du Karabakh. «Selon lui », rapporte Niokol Pashinyan, « l'ancien territoire de l'oblast Kharabakhtsi ainsi que Lachin, devait être unis à l'Arménie, en échange de quoi l'Arménie céderait la région de Meghri à l'Azerbaïdjan avec les frontières de 1988 afin que l'Azerbaïdjan obtienne une liaison terrestre avec le Nakhitchevan. Ce faisant, l'Arménie perdrait sa connexion terrestre avec l'Iran », a déclaré Nikol Pashinyan, ajoutant qu'il existe des témoignages selon lesquels cette option a effectivement été discutée.

 

Théoriquement, la guerre de 2020 aurait pu être évitée en abandonnant la perception arménienne du Nagorno-Karabagh

« Nous aurions pu dire que nous abandonnions notre vision de voir le Haut-Karabakh hors de la juridiction de l'Azerbaïdjan et nous engager sur cette voie, ce qui bien sûr, n'aurait pas garanti qu'il serait possible d'éviter la guerre […] Je ne dis pas qu'il n'y avait aucune chance théorique d'éviter la guerre, mais cette chance théorique exigeait une condition obligatoire, celle d'abandonner la vision arménienne de la résolution du conflit du Haut-Karabakh ».

 

Le plan d'acquisition militaire n'aurait pas été modifié mais du matériel supplémentaire aurait été acheté

« On entend beaucoup dire que les plans d'acquisition d'armements et d'équipements militaires ont été modifiés après ma prise de fonction au poste de Premier ministre. Rien n'a été changé, mais d'autres équipements supplémentaires ont été acquis », a assuré le Premier ministre Pashinyan devant les députés de la commission parlementaire. Il a également ajouté que son administration n'avait jamais rejeté les demandes de dépenses de l'armée.

 

Certains épisodes de la guerre de 2020 auraient eu pour but de provoquer un changement de gouvernement en Arménie

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a déclaré qu'il pensait que l'objectif de certains épisodes qui se sont déroulés pendant la guerre du Haut-Karabakh de 2020, sur le champ de bataille, était d'organiser un changement de gouvernement en Arménie.

« Il y a de nombreux épisodes concernant la guerre qui ont conduit à de nombreux points de vue et récits, selon lesquels le but de ce qui s'est passé sur la ligne de front était en fait d'organiser un changement de gouvernement en Arménie. Pendant très longtemps, même jusqu'à la fin de la guerre, je ne me suis pas permis d'y penser. Mais ensuite, en analysant plusieurs développements, j'ai parfois commencé à y penser ».

Cette hypothèse selon le Premier ministre s'est trouvée renforcée par l'enquête pénale toujours en cours autour des évènements de Sotk-Khoznavar, un prevenu faisant l'objet d'une inculpation, mais toujours aucune explication, a déclaré Pashinyan.

«Par exemple, il s'est avéré que quelqu'un a commis un crime, tout est révélé. Mais ce qui n'est pas révélé, c'est leur motivation. Et c'est une nuance très importante », a déclaré Pashinyan.

 

Aucun changement de vecteur de politique étrangère n'aurait été envisagé

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a déclaré qu'à aucun moment son administration n'avait envisagé de changer le vecteur de sa politique étrangère avant la guerre de 2020.

« Nous n'avons pas discuté d'un changement de vecteur de politique étrangère , au contraire, nous pensions que toute variation aurait pu avoir de graves conséquences dans le contexte du conflit du Haut-Karabakh lui-même », a déclaré Pashinyan.

 

L'Arménie n'aurait pas le plein contrôle de tous les types d'armes en 2020

Le Premier ministre Nikol Pashinyan a déclaré le 27 juin que certains types d'armes dans l'arsenal de l'armée arménienne n'étaient pas entièrement sous le contrôle de l'Arménie elle-même pendant la guerre de 2020.

Répondant au député Hayk Sargsyan qui lui demandait si des limitations avaient été imposées à l'armée ou si des ordres lui avaient été transmis de ne pas utiliser certaines armes particulière pendant la guerre, Nikol Pashinyan a refusé d'entrer dans les détails lors de l'audience en format ouvert. Il a toutefois admis qu' « il y avait certains types d'armes dont le droit n'appartenait pas entièrement à la République d'Arménie », ajoutant que des détails supplémentaires seraient donnés lors de l'audience à huis clos.

 

L'état-major arménien aurait initialement nié les informations du Haut-Karabakh pendant la guerre avant de finalement les confirmer

« Je veux être clair, je ne dis pas que pratiquement les informations données par l'état-major général [d'Arménie] se sont avérées fausses. Je dis qu'il y a eu des dizaines de cas où le président du Haut-Karabakh a appelé et a dit que la situation avait changé dans une zone donnée, et quand j'ai essayé de vérifier ces informations auprès du ministère de la Défense [d'Arménie], il m'a été répondu que cette information était fausse, mais quelque temps plus tard, ils ont été forcés d'admettre que c'était effectivement vrai »

 

Les services de renseignements évaluaient le risque de guerre à 30 % avant que l'enregistrement audio d'une conversation entre deux pilotes de F-16 turcs ne soit interceptée deux jours avant le déclenchement des combats.

Interrogé au sujet des déclarations du général Onik Gasparyan, chef d'état-major des forces armées arméniennes à l'automne 2020,  qui avait évoqué l'interception par les agences de renseignement arméniennes d'une communication radio entre deux pilotes turcs de F-16 le 25 septembre 2020 qui aurait dû inciter les autorités à augmenter progressivement le niveau de préparation de l'armée, Nikol Pashinyan a répondu que les services de renseignement arméniens faisaient par ailleurs état d'une probabilité de guerre de 30 %.

« Cette évaluation n'était pas seulement basée sur des renseignements, mais aussi sur d'autres données, notamment sur la base de contacts avec des partenaires internationaux. Le rapport du 25 septembre 2020 aurait pu constituer une pression psychologique supplémentaire sur les autorités politiques pour recourir à des concessions disproportionnées.».
Pashinyan explique pourquoi l'Arménie n'a pas reconnu l'indépendance du Haut-Karabakh au milieu de la guerre de 2020

 

« Si l'Arménie avait reconnu l'indépendance du Haut-Karabakh au milieu de la guerre de 2020, il aurait été impossible d'arrêter les combats »

Le Premier ministre a également souhaité répondre à Armen Ashotyan, vice-président du Parti républicain qui avait déclaré que l'Arménie aurait dû reconnaître le Haut-Karabakh pendant la guerre, arguant que cette décision aurait constitué un sérieux coup diplomatique àl'encontre de l'Azerbaïdjan.

« Et pourquoi n'ont-ils pas reconnu l'indépendance pendant la guerre de 4 jours de 2016 ? Nous, nous ne l'avons pas fait pour une raison très simple, car il aurait été impossible d'arrêter la guerre ,même le 9 novembre », a-t-il conclu.