Chambre de Commerce et d’Industrie France-Arménie : les nouveaux projets pour le développement économique du pays

Arménie francophone
19.06.2021

Aujourd’hui, l’Arménie traverse une profonde récession économique à la suite de la crise de la Covid-19 et de la guerre d’Artsakh. Néanmoins, malgré toutes les instabilités actuelles, le pays essaie d’enclencher une dynamique économique positive. La Chambre de Commerce et d’Industrie France Arménie, de par sa mission d’accompagnement des investissements internationaux, en fait un pilote incontournable de projets économiques fondamentaux.

Tigran ARAKELIAN, qui préside la CCI France-Arménie depuis Septembre 2020, nous livre plusieurs projets prometteurs pour le développement économique de l’Arménie. Expert-comptable de formation, ce jeune homme brillant et dynamique est le directeur régional de l’entreprise française Arterail spécialisée dans l’expertise ferroviaire, mais aussi élu dans le Nord de la France. 

 

- Est-ce que vous connaissiez l’Arménie avant, ou bien l’élection à la tête de la CCI France-Arménie était l’occasion de découvrir le pays ? 

- Je connaissais l’Arménie puisque c’est le pays qui m’a vu naître. J’ai quitté le pays à l’âge de 8 ans pour la France. Je revenais fréquemment en Arménie dans le cadre privé, pour entretenir mon arménité. C’est dans le cadre d’un projet d’infrastructure ferroviaire que je suis venu en Arménie, cette fois-ci, dans un contexte professionnel. Notre proposition consiste en la création d’une ligne ferroviaire qui connectera Erevan centre-ville-Aéroport Zvartnots-Etchmiadzin-Armavir. Celle-ci porte le nom de Réseau Erevan Express (REE).

Ce projet, tout d’abord soutenu par le gouvernement français ainsi que par l’ambassadeur de France en Arménie Jonathan Lacôte, vient de recevoir l’aval du gouvernement arménien. C’est dans ce sens qu’Arterail est devenue membre de la CCI FA, dont j’ai ensuite pris la présidence du conseil d’administration. Aujourd’hui, je suis heureux de pouvoir allier l’utile à l’agréable. Je ne viens plus seulement en Arménie pour me ressourcer mais pour contribuer, à mon niveau, au développement du pays.

 

- Depuis quelques mois que vous êtes à la tête de la CCI France-Arménie, nous avons l’impression que la Chambre est devenue beaucoup plus dynamique. Est-ce que vous pouvez parler des projets qu’elle réalise ? 

- La Chambre a pu avoir un problème de passivité par le passé. Elle s’apparentait plutôt à un « club » fermé d’entreprises. Elle n’avait pas réussi à se faire une réputation en Arménie pour pouvoir profiter du soutien du gouvernement et manquait de visibilité. Aujourd’hui, la Chambre a gagné en activité. L’équipe a été rajeunie et c’est très rapidement recentrée sur ses fonctions de base, à savoir : accompagner, soutenir et financer des projets publics/privés français. Nous avons rapidement compris que les mots d’ordre pour réussir sur le marché arménien, étaient la réactivité et l’expertise.

Or, nous avons pu constater que le manque de formation et d’expertise dans certains domaines étaient responsables de la non mise en place de projets nécessaires au développement économique du pays. Le projet classé prioritaire par le gouvernement n’est autre que le « REE » : Réseau Erevan Express que j’ai évoqué précédemment. La zone desservie par cette liaison ferroviaire concentre 62% des habitants du pays.

Le deuxième projet que la Chambre porte concerne le domaine du logement social. C’est un projet que j’ai proposé peu de temps après mon arrivée à la tête de la CCI FA, mais qui à l’époque, n’avait pas reçu les faveurs du ministère des Affaires sociales. Le nouveau ministre, Narek Mkrtchyan, jeune et dynamique, a fait le choix de relancer ce dossier important. A cet effet, nous allons signer un mémorandum sur une expertise que la CCI FA va apporter au gouvernement arménien dans le cadre du développement d’une politique de logement social. Ce mémorandum, étant une première étape, la seconde consistera en la création d’un acteur semi-public du logement social dont le rôle sera de bâtir des logements à faibles loyers pour faciliter l’accès au logement aux personnes en situation de précarité. Cet acteur sera aussi chargé de renouveler le parc d’anciens logements construits sous l’ère soviétique. Les premières constructions seront réalisées en dehors d’Erevan, notamment à Hrazdan et à Charentsavan.

Les Arméniens de l’étranger, vivant dans des territoires à risque, tels que le Liban ou la Syrie, auront automatiquement accès à ces logements sociaux. Ceux-ci seront construits en conformité avec toutes les normes sismiques et aux standards européens offrant ainsi un standing supérieur. La possibilité sera offerte aux locataires d’acheter son logement au bout d’un certain nombre d’années en déduisant les loyers déjà payés, à la manière d’un crédit à 0%. 

 

- Quels sont les autres projets, peut-être plus petits ? 

- Il y a bien évidemment beaucoup d’autres projets en cours d’élaboration mais dont la maturité n’est pas encore aboutie. Il y a notamment un projet concernant la production de bioéthanol. C’est un carburant obtenu à base de betterave, qui a la vertu d’être bon marché et non polluant. Le bioéthanol serait vendu 150 drams le litre. Il pourrait à terme remplacer le gaz utilisé majoritairement en Arménie comme carburant dans les véhicules. Cela permettrait de rééquilibrer la balance commerciale de l’Arménie, qui est aujourd’hui largement déficitaire, notamment en raison des importations gazières. 

Un autre projet concerne l’implémentation d’une ligne de production d’amidon (de pomme de terre). L’Arménie ne produit pas et importe à ce jour tous ses besoins en amidon. De l’amidon, on en a besoin dans presque dans tous les produits: les produits cosmétiques, les produits pharmaceutiques, ou encore les pâtisseries, papier, yaourt, etc… Ces deux projets peuvent tout deux trouver des débouchées dans les pays de l’Union douanière eurasiatique. C’est pourquoi, il est essentiel pour l’Arménie de disposer d’une ligne ferroviaire directe vers la Russie.

A la Chambre, nous avons mis en place plusieurs plaquettes techniques pour aider les entreprises arméniennes à exporter vers le marché européen, suite à l’entrée en vigueur des accords CEPA. Nous pouvons aussi évoquer le développement de l’offre hôtelière, car les investisseurs comptent beaucoup sur le potentiel touristique de l’Arménie. Les études de marché que la CCI FA a commandé en Arménie ont constaté le manque d’hôtels 3 étoiles. Or, le développement touristique du pays dépend de ce facteur.

Nous travaillons aussi sur un plan afin d’aider les compagnies arméniennes à sortir de la liste noire des compagnies aériennes pouvant opérer vers l’Europe. Or, pour un pays enclavé, qui n’a pas accès à la mer, il est essentiel de se doter d’une compagnie aérienne subventionnée facilitant l’accès du territoire arménien pour les touristes et arméniens de la diaspora.

Toujours dans le domaine de l’aviation, il existe également un projet de mise en place d’une école des pilotes en partenariat avec l’école d’aviation civile de Toulouse. En effet, les besoins de formation des pilotes étant très élevés pour les pays de la région. Je voulais enfin évoquer une ambition qui est celle de la mise en place d’un système de billetterie dégressif en considération de la distance. Plus la distance entre l’aller et le retour est grande, moins le billet est cher. 

Dans le secteur bancaire, nous souhaitons inciter les banques arméniennes à détenir des licences banque en Europe, auprès de la Banque Centrale Européenne et à ouvrir des succursales dans les pays où la diaspora arménienne a un fort taux de présence. L’objectif est double : avoir accès au taux de refinancement de la BCE qui est de 0%, et de capter l’épargne des arméniens de la diaspora.

Aussi, la CCI FA va également favoriser l’émergence des formations courtes et spécialisâtes avec la signature de conventions avec des centres de formation en France dans plusieurs domaines notamment ceux aux métiers du CHR (café hôtellerie et restauration) et aux métiers de la finance. Ces formations permettront de fournir des diplômes au bout de quelques mois et d’intégrer le marché du travail rapidement. Les réseaux français des chambres de métiers et de l’artisanat apporteront son expertise et savoir-faire dans la réussite de ce projet.

 

- Actuellement, l’Arménie se retrouve « en turbulence ». Est-ce que vous pensez que tous ces projets restent réalisables et que l’Arménie va pouvoir sortir de cette période en prenant de la hauteur ? Comment, en tant qu’homme d’affaires, vous percevez cette situation ? 

- Grâce aux contacts réguliers que nous avons avec le Ministère de l’Economie en France, l’Ambassadeur de France Jonathan Lacôte et la mission économique française dans le Sud Caucase, nous pouvons être optimistes concernant les investissements français en Arménie. Je salue notamment le travail de l’ambassadeur Jonathan Lacôte pour son implication. Les enveloppes de financements institutionnels et privées vont globalement augmenter pour l’Arménie.

Nous espérons que les élections législatives anticipés mettront fin à cette période d’instabilités et d’incertitudes afin de notamment rassurer les investisseurs privés. De plus, je voudrais insister sur un dernier point, essentiel afin de permettre un réel développement à l’Arménie.

Il faut au plus vite mettre fin à ce système d’aide humanitaire et d’assistanat, système mis en place depuis 30 ans et qui à contribuer à détruire la productivité des arméniens. C’est la hantise de tout un peuple et cela ne pousse pas les actifs à travailler. L’humanitaire n’a jamais créé d’emplois. Cette dernière donne une bonne conscience à court terme, mais sur le long terme elle tue le pays.