Հայաստանի կանայք - Femmes d'Arménie : Anaïda Gasparyan - la magicienne de l’UFAR

Arménie francophone
25.03.2022

Elles sont professeur, journaliste, chercheuse, politicienne... Naïra, Ani, Constance, Thénie et les autres ont l'amour de la langue française en partage. Le Courrier d'Erevan les a rencontrées et leur a laissé la parole. Elles nous racontent leur histoire, en français dans le texte, simple et extraordinaire. Portraits de femmes, exemplaires, touchantes, dérangeantes, une autre image de l'Arménie.

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« Chaleureuse, enthousiaste, ambitieuse, déterminée et maternelle ». C'est à l'intention d'Anaïda Gasparyan que le recteur de l’Ufar dédie ces quelques mots. "Nana" pour ses collègues, est responsable de la chaire de français. Elle en est le pilier depuis sa création, il y a vingt-deux ans, et tout autant qu'aujourd'hui avec une équipe de 26 professeurs qui travaillent sous son œil professionnel et bienveillant.

Par Lusine Abgaryan

« Nana fait passer un contrat moral et ambitieux entre les étudiants et l’université » dit le Recteur. Un engagement qui consiste à dire aux jeunes arméniens qui ne parlent encore aucun mot de français lorsqu'ils intègrent l'Ufar, qu’ils vont maîtriser cette langue en plus de leur spécialité.

La mission de Nana à l’université dépasse largement la gestion de sa chaire de français. C'est tout un processus d'immersion, global et exigeant, dans lequel elle doit accompagner ses étudiants sur le chemin de l’acquisition « des compétences transversales découlant de l’apprentissage de la langue », souligne encore Bertrand Venard.

Ayant appris le français dès son enfance en regardant des dessins animés et en compagnie de ses camarades, Nana a eu la chance de partir vivre en France quelques années avec ses parents avant de retourner dans son pays natal pour y propager la langue française de manière rayonnante et cette culture qu’elle considère comme son style de vie.

 

Quels étaient vos débuts avec la langue français ? Comment a débuté votre carrière en tant que professeur, plus tard responsable de la chaire de français à l’UFAR ?

J’ai commencé l’apprentissage du français grâce à mes parents qui ont vécu et travaillé en France, mon père était diplomate, premier secrétaire de l’ambassade de l’ex-URSS. J’ai fréquenté l’école soviétique avec enseignement obligatoire du français dès la première année d'études.

En rentrant en Arménie, j’ai poursuivi mes études à la section des langues étrangères de l’université Brusov. J’ai continué ma carrière tout en menant en parallèle une formation spécifique qui m'a permis d'obtenir un master européen en didactique du français à l’Université Lyon 2.

Plus tard, en 2000, l’Ambassade de France en Arménie m'a proposé de monter la chaire de français à l’UFAR. Cette mission m’a énormément intéressée parce qu’il fallait déployer de grands efforts, mais c’était aussi un travail très créatif. J’ai trouvé six professeurs de français, et on a commencé une aventure qui perdure à ce jour.

 

Vous avez donc été professeur toute votre vie, c'est une véritable vocation !

Oui, la vocation de toute ma vie. J’ai toujours été très créative, dynamique, optimiste… Un peu artiste peut-être ? Ce sont les qualités dont un professeur de français a besoin et qui sont importantes pour les étudiants qui apprennent des langues étrangères.

Toute ma vie, c'est vrai, j’ai essayé de partager ce que je connaissais et savais faire. Le mot clef de l’enseignant c’est le partage. Partager ces connaissances, ses expériences, ses idées et sa créativité. C’est à partir de ce moment-là que l'on peut espérer un résultat. Si un professeur garde pour lui-même tout ce qu’il sait, il ne sert à rien.  Partager et motiver, ce sont les mots clés pour un pédagogue.

Qui devenez-vous le soir, une fois fermée la porte de votre bureau ?

C’est une bonne question ! Je deviens une maman, une amie, la fille de ses parents, parce que la famille c’est très important pour moi. Dans ma famille tout le monde parle français. Nous sommes une famille très francophone et francophile. Mon fils aussi parle français et il a fait ses études à l’Ufar.

Quel serait votre métier si vous n’étiez pas professeur de français ?

Je serai actrice de théâtre et de cinéma. À propos, j’ai participé à "Questions pour un champion - spécial francophonie" une émission-jeu très populaire qui passe à la télévision publique française. C’est là où j’ai appréhendé ce qu’était la vraie francophonie. J’y ai participé deux fois et lié connaissance avec de nouveaux amis venus de différents pays francophones. Lors de ce concours, on pose des questions centrées sur la culture générale et sur la Francophonie. A l’époque, l’équipe du concours se déplaçait à Erevan avec l’Association des professeurs de français et l’Alliance française. Les gagnants avaient la possibilité de partir en France pour participer au tournage du jeu à la télévision.

Lorsque leur équipe est revenue en Arménie, ils m’ont recontacté et nous avons de nouveau tourné, mais cette-fois ci, c’était un reportage sur l’Arménie et son folklore qui a plus tard été diffusé en France.

J’ai recréé ce concours, ici, à l’université, en l’intitulant « Questions pour un étudiant francophone ». Ce concours interuniversitaire a déjà été organisé deux fois.

Il y a aussi une chose qui me tient particulièrement à cœur, c’est l’activité de la Croix rouge internationale. Je donnais des cours à leur personnel, j’ai beaucoup de respect pour ces gens qui règlent des problèmes ingérables.

 

Qu’est-ce que la francophonie représente pour vous ?

Un style de vie. Un état d’âme. Si tu es francophone, tout change, tes habitudes, ton goût, tu restes "pain au chocolat et croissant" toute ta vie! Les gens non francophones ne peuvent le comprendre. Par contre, on peut leur expliquer que s’ils apprennent le français, ils peuvent avoir le même style de vie que nous, les francophones.

C’est un monde à part dans lequel tu pénètres en t'ouvrant à la découverte des gens, de leurs cultures, leur caractère, leurs lieux. Et tu deviens meilleur, plus éduqué, plus érudit, plus intéressent aussi, et plus compétent dans le travail. Les liens que nous avons avec nos partenaires nous font évoluer.

 

Vous exercez d’autres activités professionnelles parallèlement à la gestion de la chaire. Pourriez-vous nous en parler ?

Je suis une "vétéran" et fidèle de l’Ufar. Cela m’a permis de participer à la création d’un projet intitulé « Rencontres avec les futurs étudiants de l’Ufar ». Ce sont des rencontres avec des élèves des classes terminales. Les gens pensent souvent que pour entrer à l’Ufar, il faut maîtriser le français. Ce n’est pas le cas. J’essaie aussi de leur expliquer que les diplômes attribués peuvent leur ouvrir de nombreuses possibilités sur le marché du travail. Et puis, comme vous le savez, les doubles diplômes délivrés par l’Ufar permettent de continuer des études dans les universités du monde entier. J’essaie de leur donner des conseils sur leur orientation universitaire et professionnelle.

 

Comment se passe l’initiation des étudiants au français.

Quand ils choisissent l’Ufar, les futurs étudiants ils savent déjà qu’ils vont apprendre le français. Quand ils arrivent, il est rare qu'ils ne se sentent pas concernés par cette langue.

Au départ, ils peuvent rencontrer certains problèmes, mais on essaie de faire des groupes qui correspondent à leurs connaissances, ce n’est pas vraiment difficile quand on commence tous ensemble. On ne travaille pas avec des manuels mais on choisit des thèmes et on travaille sur des compétences pour développer la compréhension et la production à l'oral comme à l'écrit. On utilise beaucoup de matériaux pédagogiques et les nouvelles technologies pour animer la classe. Nous avons élaboré nos programmes avec des professeurs de français très réputés et nous suivons régulièrement des formations, notamment via l’Association des professeurs de français en Arménie, le CREFECO ou le BRECO.

Le travail ici ne s’arrête jamais, les programmes ne sont pas figés et on les adapte chaque année aux besoins de nos étudiants. Nous ne sommes pas un centre des langues et nos étudiants doivent maîtriser le français en vue d'un objectif professionnel, ils doivent donc parvenir à maîtriser le français comme langue étrangère tout d’abord, pour pouvoir passer ensuite au français de spécialité comme le français du commerce, du droit, de la gestion ou des nouvelles technologies.