"Entre" - Un incubateur pour une économie à visage humain

03.03.2022
EDITO DU MOIS
Complément spécial KASA

C’est un projet de poids qu’a entrepris KASA en démarrant un programme éducatif pour développer une économie solidaire, via un incubateur d’entrepreneuriat social baptisé "Entre", "Խթան" en arménien.

Par Ani Paitjan

De septembre 2021 à août 2022, environ 50 entrepreneurs sociaux, en herbe ou expérimentés, originaires d'Arménie et du Karabakh, participent à ce projet qui leur permettra d’apporter des changements positifs à leur communauté.

Des projets d’entreprises sociales

L'objectif est de mettre sur pied un incubateur d'entrepreneuriat social. Celui-ci propose d’une part une formation générale relative à une bonne gestion entrepreneuriale, et d’autre part, des modules plus spécialisés qui ciblent les besoins spécifiques des entreprises participant au programme et facilitent leur mise en réseau.

« Nous travaillons avec les participants autour de la notion d’entreprise et de l'idée qu’ils cherchent à développer. L’objectif est de concevoir un modèle entrepreneurial de A à Z, de l’idée initiale à la concrétisation d’un projet complet d’entreprise », explique Lusine Tonoyan, responsable de ce programme.

Celui-ci concerne trois régions d'Arménie, le Lori, le Tavush et Shirak, ainsi que l’Artsakh. Vingt participants d’Arménie et trente d’Artsakh sont sélectionnés, dès 18 ans et sans limite d’âge, sur la base de l’intérêt et de la motivation qu’ils portent au développement de leur communauté.

« Nous organisons trois sessions de cours présentiels, chacun de quatre jours. Entre chaque session sont proposés des cours en ligne donnés par des experts de l’entrepreneuriat. C’est un processus éducatif simple. Les adhérents se voient attribués des tâches très pratiques qui les mettent en situation réelle et concernent leurs objectifs. » poursuit Lusine. « Au printemps, ils vont devoir fournir un prototype de ce qu’ils imaginent au sein de leur entreprise sociale : créer un produit, le tester sur le marché et sur un public cible, etc. Ils travaillent avec des experts qui leur fournissent également des conseils afin de développer un projet économique solide. »

Projets reflets de la société arménienne

En Artsakh, selon Lusine, beaucoup d’entrepreneurs sociaux privilégient l’intégration des déplacés internes suite à la guerre de l’automne 2020. Mais les projets concernent des domaines extrêmement variés : l'éducation, le psycho-social, la culture, les technologies de l’information, l’agrotourisme, le jardinage, l’agriculture, la production textile, le yoga…

Kristina Balayan a à cœur de venir en aide aux enfants d’Artsakh atteints d’un handicap. En attendant de trouver enfin le lieu idéal pour les accueillir, elle organise actuellement ses activités pour les enfants de la région dans son petit café au cœur de Stepanakert, le Café Toumanian.

« Ce dont je rêve, c’est de pouvoir ouvrir une garderie inclusive », nous explique-t-elle. Selon elle, les enfants d'Artsakh atteints d’un handicap physique ou mental, parfois des deux, sont totalement invisibilisés, par la société tout d’abord, mais aussi par leurs parents. Ces derniers éprouvent en effet un sentiment de honte qui les incite à cacher leurs enfants à la maison.

« Pour que l’enseignement inclusif porte ses fruits, il faut envisager au maximum 30% d’enfants avec des besoins spécifiques dans un groupe d’environ dix enfants. Si l’on ouvre une école maternelle avec trois groupes de dix enfants, on pourra donc accueillir environ dix enfants avec un handicap », poursuit Kristina.

Depuis plus de cinq ans, Kristina poursuit son rêve d’ouvrir son école maternelle inclusive mais peine à dénicher les financements nécessaires. C’est ici que le projet "Entre" se révèle précieux.

« Nous avons demandé l’aide d’"Entre" – "Խթան", afin de mieux cerner les enjeux financiers. Son équipe m’accompagne pour élaborer le budget et le marketing afin de mieux repérer les petits dont le dynamisme pourra contribuer à l'établissement de l'école », précise-t-elle.

Offrir des opportunités

À Erevan, dans la capitale arménienne, Serioja Manukyan a conçu un projet pédagogique dans le secteur des technologies de l’information. Son école en ligne, baptisée "Favorite School", vient tout juste de démarrer. Pour le moment, vingt personnes suivent ses cours en ligne de Social Media Marketing – SMM, marketing des réseaux sociaux, en français.  La plupart de ceux qui participent aux sessions sont issus de milieux défavorisés, de villages frontaliers ou sont porteurs d’un handicap.

« Je voulais offrir une opportunité à des personnes qui ont peu de chance de pouvoir faire une reconversion professionnelle. En Arménie, la technologie de l’information est un secteur très prisé », explique Serioja.

La "Favorite School" se trouve dans les tiroirs de Serioja depuis 2020, au début de la pandémie du coronavirus. À travers son école, le jeune entrepreneur social souhaite donner une chance aux groupes fragilisés de s’en sortir financièrement sans devoir être forcés de quitter leur village ou même l'Arménie pour tenter fortune à l’étranger.

« Il y a, en Arménie, une demande de 45% de professionnels du SMM sur le marché du travail. Par conséquent, si nous arrivons à préparer ces futurs experts, nous pourrons répondre à cette demande. En participant au programme d’incubation sociale, j’ai enfin pu démarrer mon projet. Ce que j’y ai trouvé, c’est avant tout une approche éducative et un réseau, qui m’ont permis de créer des liens avec d’autres entrepreneurs. Mon principal souci est de comprendre comment je peux attirer d’éventuels participants. C’est en cela, par exemple, que l’incubateur m’a aidé. Grâce à un texte percutant et à l’aide d’un bon designer, j'ai reçu plus de mille candidatures de gens qui veulent assister à mes cours », conclut Serioja.

À travers son programme d’entrepreneuriat social, KASA a fait le choix de soutenir prioritairement une économie à visage humain. L’incubateur promeut un travail de développement basé sur la collaboration et l'égalité, dans une volonté de bien commun.  Des valeurs d’autant plus cruciales après la pandémie de coronavirus et la guerre qui ont lourdement affecté la situation économique et sociale de l'Arménie.