Innovarium: résoudre des problèmes sociaux tout en jouant!

05.11.2021
EDITO DU MOIS
Complément spécial KASA

Participer à l’amélioration de la vie de sa communauté quand on est jeune, en misant sur des solutions innovantes et des partenariats efficaces ? C’est tout à fait possible, voire déjà une réalité avec Innovarium, une initiative sans précédent en Arménie, entièrement construite autour de l’idée qu’on peut apprendre en jouant (gamification en anglais). Fort prisée de nos jours dans les milieux éducatifs internationaux, cette approche rend l’apprentissage aussi passionnant, engageant et efficace que des activités ludiques. Elle s’est développée au sein du projet d’éducation civique Jeunes citoyens d’Arménie, que réalise depuis 2019 la Fondation humanitaire suisse KASA, avec le soutien de l’organisation allemande Brot für die Welt.

Nous avons inventé et mis en place cette méthodologie à la suite de la propagation du Covid-19 suivie de la guerre en Artsakh, et grâce à notre expérience concernant la création de jeux éducatifs. Elle nous a permis de poursuivre nos activités en matière d’éducation civique de manière plus efficace en dépit de la situation instable dans le pays et dans le monde, et même d’élargir notre champ d’action, explique Vahram Petrosyan, coordinateur du projet à KASA.

Concrètement 12 groupes, représentant 11 communautés d’Arménie (plus de 130 jeunes au total) ont participé, pendant  7 mois,  à des formations afin d’acquérir les connaissances et les pratiques requises pour pouvoir réaliser  des projets communautaires ; puis ils ont  suivi des formations en ligne, obtenu des “badges numériques d’apprentissage” et gagné des Innodrams (“monnaies Inno”), leur permettant par exemple de financer une rencontre avec un expert susceptible de les conseiller utilement. En parallèle ils ont évalué les besoins de leurs communautés respectives afin d’y repérer un besoin pertinent, pour lequel ils ont cherché une solution innovante. Pour ce faire ils ont rédigé un plan de projet, calculé le budget nécessaire, trouvé des répondants au sein des autorités locales ; répondants avec lesquels ils ont engagé un dialogue, voire, dans certains cas, développé un vrai partenariat. Bref ils ont constitué une belle communauté d’apprentissage et d'entraide à travers le pays ! 

Julietta Karapetyan, future étudiante en marketing et commerce, aujourd’hui en 11e année, a fait du volontariat dans toutes les ONG possibles à Gumri et même à Erevan” dès l'âge de 11 ans, et participe au centre de jeunes de KASA de Gumri depuis 3 ans.  L’annonce du lancement d’Innovarium l’a tellement enthousiasmée, elle et ses amis, qu’ensemble ils ont décidé de constituer une équipe.

Après avoir acquis outils et compétences ce groupe a décidé de s’attaquer au problème de la gestion des déchets. Et pour respecter la clause du projet qui posait comme condition la mise en œuvre d’une solution absolument innovante, il a proposé une combinaison de plogging (ou écojogging), à savoir de recyclage du plastique sous forme de fils et de création d’une mosaïque de bouchons, avec l’implication d’adolescents de 9 à 11 ans de plus de 15 écoles de la ville.

Les jeunes ont beaucoup apprécié le système de badges éducatifs. Grâce aux points cumulés sur la plateforme des badges, ils ont pu s’offrir la consultation d’un expert pour les accompagner dans l’élaboration de leur projet. La formation animée par l’expert Archavir Ghukasyan a été une vraie découverte pour les participants de Gumri : Il nous a sensibilisés au fait que même sans disposer de ressources financières, on peut réaliser son idée grâce à des contacts humains, résume Julietta. Forts des méthodes apprises lors de leur formation ils ont pu présenter un projet suffisamment abouti pour obtenir un financement de la municipalité de Gumri ainsi que nouer des partenariats, avec le Centre d’éducation écologique Ohanian, le Musée de mosaïques de bouchons de Gumri et le Centre d’initiatives de jeunesse de Gumri.

Même si le projet de KASA touche officiellement à sa fin, l’équipe de Gumri envisage d’étendre son initiative : Nous réfléchissons à l’élaboration d’un jeu éducatif sous forme de “quest” et nous avons l’intention de nous adresser aux fondations “IDeA” et “Awesome” pour un soutien financier.

Mais le plus réjouissant, à leur avis, ce sont les nouveaux amis acquis à travers les différentes communautés d’Arménie, les 12 équipes étant en contact régulier les unes avec les autres. Je ne pense pas qu’on puisse avoir la même motivation et le même résultat seuls, sans l’existence de cette communauté de partage de problèmes, de solutions et d’encouragement, conclut Julietta.

Nanor Hovhannisyan est déjà étudiante en 1ère année à l’Université américaine d’Arménie, mais continue à s’impliquer dans son ancien Complexe éducatif Mkhitar Sebastatsi d’Erevan, un immense établissement d’enseignement de la capitale, qui offre une approche pédagogique unique, différente de celle des écoles traditionnelles d’Arménie. C’est la condition de devoir innover dans la solution d’un problème social qui l’a le plus attirée lors de la présentation d’Innovarium par la responsable de leur classe.

L’équipe de l’école a rapidement identifié l’un des besoins les plus saillants de leur grande communauté scolaire, à savoir l’absence d’une cantine décente (voire d’une cantine tout court) à l’intérieur de l’école, situation aggravée avec l’arrivée de la pandémie du Covid-19, qui a amené la fermeture de plusieurs cantines scolaires, dont celle du complexe Sebastatsi. Du coup les écoliers devaient s’approvisionner dans les magasins et supermarchés du quartier, partant traverser des rues souvent peu sécurisées, pour manger cher et n’importe quoi. Notre priorité était de trouver un moyen sûr de fournir une nourriture saine aux écoliers (et aux professeurs !), sans qu’ils doivent quitter l’école. Comme simplement rouvrir la cantine ne représentait aucun changement réel ils ont décidé de créer un site web de commande de nourriture, en coopérant avec un service de restauration et de livraison locale ArtLunch.

Avant de partir nous former à Gumri, nous avions peine à imaginer par où et comment démarrer. Mais grâce aux outils pratiques que dispensait la formation et aux fructueux échanges avec l’expert Areg Tadevosyan, tout est devenu clair et réalisable pour nous nous explique Nanor.

Le site proprement dit a été conçu et mis en place avec le soutien du groupe des technologies d’information et de communication de l’école. La période d’essai touche à sa fin. À l’heure actuelle, nous testons le projet au sein du collège, et l’expérience est très positive : nous avons de 40 à 50 clients réguliers parmi les étudiants et les membres du personnel. En un premier temps l’idée est d’introduire le projet au fur et à mesure dans les 7 sections du complexe, avant de le proposer à d’autres écoles du pays, confrontées au même problème, à en croire les sondages de notre équipe, baptisée EduFood.  Pour y arriver, ils songent déjà à s’adresser à KASA, tout en cherchant aussi de nouveaux partenariats.