Polémique en France autour de la visite du haut-commissaire à la diaspora

Diasporas
11.02.2022

À l'occasion de sa visite de travail en France, Zareh Sinanyan, haut-commissaire du gouvernement arménien auprès de la diaspora a tenu, jeudi 10 février à l'ambassade d'Arménie en France, une conférence de presse au cours de laquelle il est notamment revenu sur la polémique qui entoure son voyage.

Par Olivier Merlet

Au cours d'un point presse d'une cinquantaine de minutes, Zareh Sinanyan a répondu aux questions des journalistes présents qui l'ont interrogé sur plusieurs thèmes concernant les préoccupations, non seulement des Arméniens de France, mais de l'ensemble de la communauté de par le monde. La participation aux suffrages nationaux ainsi que la préservation et l'apprentissage de la langue arménienne occidentale en Arménie ont ainsi été abordés, le haut-commissaire assurant que ces sujets demeuraient à l'étude mais n'avaient, pour l'heure, pu être traités favorablement par les instances politiques arméniennes absorbées par d'autres priorités. Il a également évoqué la conférence qu'il avait précédemment donné dans la journée sur les opportunités de développement économique en Arménie et le renforcement des relations avec la France dans ce domaine.

Au cours de cette réunion à laquelle le directeur de Thomson France assistait, Zareh Sinanyan a rappelé les dispositions du gouvernement arménien à accueillir chaleureusement en Arménie, et dans les meilleures conditions, les entreprises françaises et encouragé les investisseurs potentiels, précisant que tous les efforts étaient bienvenus.

Interrogé par le Courrier d'Erevan sur la polémique, finalement très intestine aux organisations arméniennes de France, qui entourait sa venue en France, Zareh Sinanyan s'est dit ne pas comprendre : « Il y a quelque chose de bizarre dans les réactions du CCAF. Ce voyage en France a été décidé au mois d'octobre. J'ai bien sûr appelé le CCAF pour préparer ce voyage, et nous nous sommes mis d'accord avec ce dernier, pour tout ce qu'il représente en France, afin qu'il puisse organiser un programme approprié et conséquent de la visite de travail que je suis en train d'effectuer en ce moment. J'ai également eu de nombreux contacts avec d'autres organisations arméniennes, dont le "Mouvement arménien". Pendant 2 mois, le CCAF a organisé cette visite en toute connaissance de cause. 10 jours avant mon départ, le FRA [NDLR : Fédération révolutionnaire arménienne – parti Dashnak] a appelé au boycott de mon voyage. Le CCAF de Lyon lui a embrayé le pas et juste le jour de mon arrivée, le bureau national adresse cette lettre à ses membres annonçant qu'il se retire de l'organisation. Il y a franchement quelque chose de bizarre dans cette affaire. Vous ne comprenez pas, je ne comprends pas non plus. Nous avons dû rater quelque chose. »

Zareh Sinasyan a poursuivi : « Je ne veux surtout pas accabler le CCAF, et bien au contraire, je tiens à le remercier et faire valoir toutes ses réalisations acquises de haute lutte ainsi que son rôle historique depuis près de 30 ans. Le CCAF est une organisation très importante en France dont je reconnais tous les mérites. Mais notamment depuis la guerre, beaucoup de choses ont changé, d'autres organisations ont vu le jour, des individus ont su prendre la parole de manière indépendante et avisée, qui proposent de nouvelles initiatives, le CCAF n'a plus l'exclusivité de la représentation des Arméniens de France. Toute cette histoire, c'est leur choix. Je ne comprends pas leur attitude, encore une fois, nous avons dû rater quelque chose ».

Quant à savoir si le Haut-commissaire avait pu maintenir tous les rendez-vous prévus, il a répondu et répété qu'« il existe en France de nombreuses organisations arméniennes avec lesquelles nous avons un lien direct et toutes les rencontres prévues, en dehors de certaines organisées par le CCAF, auront lieu. »

La tournée française de Zareh Sinanyan avait été entreprise dans le but de rassembler les ressources et forces vives de la diaspora française pour une action commune et efficace au profit de l'Arménie. Selon ses propres mots que nous rapportions avant son départ, il s'agissait de « créer une dynamique de coopération et de communication entre l'Arménie et sa diaspora, un dialogue avec elle pour clarifier la situation. Il ajoutait même, ironie de l'histoire : « Mais il faut également que l'Arménie se montre à la hauteur. Elle a besoin de faire le ménage chez elle, apprendre à bien travailler ».

Au-delà des désaccords politiques ou des jugements personnels, la fonction même du Haut-commissaire auprès de la diaspora devait transcender les intérêts. Vue d'Arménie, cette histoire risque bien d'aboutir au résultat inverse à celui espéré de ce voyage, qui était aussi de clarifier les incompréhensions et possibles malentendus entre l'Arménie et sa diaspora. Entre les lignes, se profile une nouvelle fois l'ombre d'un vieux parti historique arménien qui a beaucoup et bien œuvré pour sa cause nationale, mais qui aujourd'hui aux abois, dans une tentative désespérée de restaurer son influence perdue, préfère encore, malgré tous les périls qui menacent l'Arménie, diviser et rejeter l'appel à l'union des ressources arméniennes.