KASA et le français: bienvenue en FRANCOKASIE! Edito de septembre 2019.

L'édito du mois kasa
01.09.2019

C’est avec les jeunes francophones du CLEF, club francophone de la SPFA, que les fondateurs suisses romands de KASA ont découvert l’Arménie en 1997.

Par Monique Bondolfi-Masraff, présidente de KASA

Et la réalité de la francophonie au pays des Lusignan:  à  peine disaient-ils deux mots dans un taxi que le chaufeur passait en boucle un chant d’Aznavour ou de Piaf!

C’est donc tout naturellement que le comité de KASA, dans lequel figuraient plusieurs enseignants,  a d’entrée misé sur le français comme langue véhiculaire de la Fondation après l’arménien: cours de langue, initiation à l’internet via des Centres internet communautaires qui proposaient de réaliser des E.Portfolio, dossiers numériques servant à valoriser les compétences et les intérêts d’une personne, invitation de voyageurs et de conférenciers.

Mais avec les années la Fondation s’est trouvée confrontée à plusieurs problèmes. Tout d’abord, et comme un peu partout, avec l’expansion fulgurante d’internet et des nouveaux medias, l’anglais a progressivement pris la relève. A Gumri  où nous sommes très impliqués le phénomène était patent: dans les années 90 sortaient  chaque année plus de 30 diplômés de la section française de l’institut pédagogique; beaucoup avaient déjà bien appris le français au lycée bilingue no 10, dirigé par l’infatigable Monsieur Pashayan qui avait réussi à reconstruire en 1994 son établissement détruit en 1988. Malheureusement le lycée cessa d’être bilingue en 2010 faute de financements suffisants,  et les effectifs fondirent, provoquant  quelques années plus  tard par ricochet  la  fusion de la section française de l’Institut pédagogique avec la section germanique. Par ailleurs il nous est apparu de plus en plus difficile de trouver des collaborateurs francophones dès lors que nous cherchions des spécialistes, par exemple en IT,  et non plus des linguistes: c’était essentiellement les littéraires - très majoritairement des jeunes filles...-  qui apprenaient le français nous expliquait-on... Et les jeunes du Service civil volontaire que nous accueillions chaque année, venus de tous les coins d’Europe, parlaient majoritairement d’autres idiomes.

Etait-il possible de garder le cap? L’anglais allait-il remplacer le français au titre de seconde langue de la Fondation?  Bon an mal an nous avons persévéré. Avec des résultats souvent surprenants. C’est ainsi que nos directrices successives à la tête de la Fondation, anglophones toutes deux, se sont fait fort d’apprendre la langue de Molière, et  leur exemple a essaimé  au sein de KASA, où beaucoup de collaborateurs se sont à leur tour lancés pour  développer leurs capacités linguistiques - n’oublions pas que les Arméniens, dont la langue est d’une grande richesse phonétique, sont particulièrement doués pour apprendre les langues! Mais surtout - et les événements récents de la francophonie à Erevan ont contribué à renforcer cette approche - la plupart ont mieux compris nos raisons de défendre la francophonie à plusieurs niveaux.

Une langue certes, déjà goûtée au Moyen-Age - monsieur ne se dit-il pas baron en arménien, en référence aux croisades -?  Langue des diplomates, des échanges intellectuels, d’écrivains de tous pays qui ont affuté leur plume - les Obaldia, Ionesco, Beckett...- de chanteurs – merci Aznavour...- Mais tout autant des valeurs démocratiques de liberté, d’égalité et de fraternité,  dont le président Macron s’est plu à rappeler la nécessité absolue, dans un monde de plus en plus livré à la folie et à la barbarie. Phares tout désignés dans cette Arménie en transition qui cherche ses marques. Et, tout aussi important, un formidable vecteur économique, offrant de nombreuses  possibilités de commerce au plus noble sens du terme avec la grande communauté arménienne de France, mais aussi de Suisse, de Belgique, du Canada, voire de l’Afrique francophone, si présente aux assises de la francophonie...

Alors, comment décliner tout cela sur le terrain?

La langue d’abord. Conscients de l’existence de nombreux lieux d’enseignement de qualité, nous nous n’avons pas voulu en inventer d’autres. Mais travailler en amont. A savoir motiver les jeunes à l’âge où ils doivent choisir parmi les nombreuses langues qui leur sont proposées. C’est ainsi qu’avec des bénévoles français ou suisses nous  rencontrons des élèves d’une quinzaine de collèges et lycées pour leur faire découvrir un français vivant à travers des activités ludiques: improvisation  théâtrale, expression poétique, marionnettes, initiation aux droits de l’homme ... Les enseignants locaux avec lesquels nous collaborons nous savent gré de contribuer à donner couleur et vie à la langue à travers des approches moins formelles! Et nous sommes fiers de disposer dans notre centre EspaceS, rue Nalbandian 29, d’une belle bibliothèque francophone, ouverte au public, dont le fichier est accessible par internet sur le site de KASA http://kasa.am/bibliotheque-francophone/

Les valeurs ensuite.  Très interculturelle notre Fondation  est heureuse de profiter de la présence de voyageurs ou d‘amis de passage pour organiser conférences et ateliers autour de thèmes d’actualité. Nous avons ainsi vécu des  débats animés  en lien avec la condition de la femme, la quête d’une troisième voie solidaire  ou la sauvegarde de l’environnement, et tous nos clubs se penchent assidument sur les droits - et devoirs -humains!

L’économie enfin. Nous formons des guides et manquons de candidats francophones, alors que le tourisme local en a grand besoin. Et plus généralement nous encourageons les jeunes qui se forment en vue de postes dans l’économie ou l’industrie à s’initier à une langue qui ouvre de nombreuses portes, d’autant que nous apprécions beaucoup l’engagement de l’UFAR ou des universités qui tentent d’allier l’apprentissage d’une branche avec celui d’une langue.

La XVIIème session de l’OIF a vu affluer un public impressionnant. Le premier ministre n’a pas hésité à y faire son discours inaugural en français, le président français Emmanuel Macron a resitué avec une remarquable hauteur cette langue dans un contexte mondial d’échanges et de fraternité. Est-il trop audacieux de penser  qu’un nouveau jour se lève sur la francophonie en Arménie, avec le soutien appuyé des autorités locales qui peuvent compter sur tous leurs amis francophones, dont l’équipe de KASA, membre partenaire de l’OIF,  se réjouit particulièrement de faire partie? Bienvenue en FrancoKASIE!