Question arménienne au sommet Poutine-Biden

Région
18.06.2021

Pas une seule fois l’Arménie et l’Artsakh n’ont été publiquement évoqués par les présidents russe et américain, réunis à Genève cet historique 16 juin 2021.

Par Anna Aznaour, journaliste suisse et correspondante du Courrier d’Erevan à Genève

Il y a des silences qui en disent plus que des longs discours. Celui-ci concernant l’Arménie faisait penser à une trompeuse accalmie avant une grosse tempête. D’autant plus que le sommet en question ne ressemblait pas vraiment au précédent d’il y a 36 ans, organisé également à Genève entre Reagan et Gorbatchev. À l’époque, il s’agissait du réchauffement de relations entre deux superpuissances idéologiquement opposées dont le bras de fer tenait pourtant le monde en équilibre. Tandis que ce sommet-là s’est surtout distingué par l’établissement mutuel des lignes rouges à ne pas franchir dont le détail n’a pas été communiqué aux médias.

D’une durée de trois heures au lieu des quatre initialement prévues et conduite en présence de leurs chefs de diplomatie et en non en tête-à-tête, la discussion s’était davantage concentrée sur quelques thématiques chères aux Occidentaux dont l’Ukraine était la pierre angulaire. Notez que ce cas concerne indirectement l’Arménie. « La seule obligation de la Russie envers l’Ukraine c’est de veiller au respect des accords de Minsk », a assené Vladimir Poutine en conférence de presse après sa rencontre avec Joe Biden. Le président Russe a ensuite rappelé les événements de fin novembre 2020 qui ont conduit à l’escalade de ce conflit armé avec Kiev autour de Donetsk et de Lougansk, républiques autoproclamés pro-russes que l’ONU ne reconnait pas.

Une guerre orchestrée en sous-main par les États-Unis, affirme le maître du Kremlin, qui pointe la législation américaine où son pays est qualifié d’ennemi que Washington s’engage à faire évoluer vers la démocratie en y soutenant divers entités. Ou opposants comme Alexeï Navalny. « Si nous sommes leurs ennemis, quels types d’organisations pensez-vous qu’ils vont financer dans notre pays et comment croyez-vous que l’on va réagir à cela ? », lève la voix Vladimir Poutin. Idem pour les mouvements pro-démocratie et des ONG financées par Soros en Arménie que la Russie perçoit comme sa chasse-gardée ? Serait-ce l’explication de  la tolérance de Moscou à l’agression turco-azérie de sa seule « alliée » dans le Caucase du Sud en automne 2020 ?

Une autre thématique a été évoquée en boucle par certains journalistes internationaux, visiblement intoxiqués par des lectures sur l’intelligence émotionnelle et les émissions de téléréalité. Il s’agit de la naissance, à Genève, de cette hypothétique sympathie mutuelle entre les deux chefs d’Etats et son influence future sur leur géopolitique. D’abord amusé puis de plus en plus lassé, Vladimir Poutine a fini par mettre les points sur les i: « Ce n’est pas une question d’aimer ou pas aimer. Il s’agit là de real politic où chaque dirigeant ne fait que défendre les intérêts de son pays ». Ceux d’Arménie, eux, apparaissent orphelins en l’absence d’un corps diplomatique solide pour les promouvoir et défendre devant les caméras mais surtout en coulisses…

Pour visionner la conférence de presse de Vladimir Poutine après sa rencontre avec Joe Biden:

https://www.youtube.com/watch?v=M6NmCiuNAHA