Une nouvelle constitution dans quel but ?

Actualité
23.01.2024

Un document adressé par le ministère de la Justice au gouvernement évoque les prémisses qui ont conduit Nikol Pashinyan à engager une réforme de la Constitution.

 

Le projet de nouvelle constitution souhaité et annoncé par Nikol Pashinyan le 18 janvier semble déjà sur les rails. Dans ses éditions du 22 janvier, le journal Azatutyun annonce s'être procuré sa préface, un rapport de 80 pages adressé par le Ministère de la Justice au Gouvernement. Le média cite sa source : Daniel Ioannisyan, membre du Conseil des réformes constitutionnelles et président de l'ONG "Union des Citoyens Informés".

Si le document ne semble préciser ni la nature ni l'étendue des changements voulus par le Premier ministre, il pose, selon le média, le contexte et les principes qui l'y ont conduit. Il évoquerait d'une part un déficit de confiance des citoyens dans les réformes constitutionnelles de 2015 et, d'autre part, les bouleversements intervenus depuis : le changement politique de 2018 en premier lieu, la crise de la pandémie, la guerre des 44 jours et les affrontements frontaliers continus qui s'en sont suivis, les atteintes à l'intégrité territoriale de l'Arménie, la déportation forcée des Arméniens d'Artsakh et même des tentatives de coup d'État.

Selon les propos du ministère rapportés par Azatutyun, les réformes constitutionnelles devraient poursuivre les objectifs clés suivants : premièrement, surmonter la méfiance du public à l'égard de la Constitution existante, deuxièmement, revoir les règles du jeu politique provoquées par la reproduction du pouvoir et la poursuite du monopole politique, troisièmement, garantir un niveau plus élevé de protection des droits de l’homme, et quatrièmement enfin contribuer à l’enracinement des valeurs constitutionnelles.

Concernant les « règles du jeu politique », le projet proposerait d'abandonner le principe actuel d'une « majorité parlementaire stable » tel que garanti jusqu’à présent par le code électoral, lui préférant « une majorité dirigeante et la formation d'un gouvernement issu du dialogue politique et d'alliances entre partis », sans restriction ni limitation. « La stabilité peut provoquer une stagnation politique et économique », estimerait le Conseil constitutionnel qui propose en fait d'instituer la possibilité d'un "gouvernement minoritaire".

Pour parvenir à sa formation deux options seraient retenues. La première prévoirait la nomination, par le président du pays, d'un Premier ministre assuré de la confiance du plus grand nombre de députés à l'Assemblée nationale. La seconde, basé sur le modèle de celle en vigueur à la mairie d'Erevan, déciderait de son choix par scrutin parlementaire majoritaire. De nouvelles mesures concerneraient également l'allongement du délai de tenue d'élections anticipées en cas de dissolution du Parlement. Celui-ci serait porté à 50 jours au plus tôt et 60 jours au plus tard contre 30 à 45 jours actuellement.

Dans le document qui lui a été communiqué, Azatutyun relève qu'aucune mention n'est faite à une éventuelle modification du préambule de la Constitution. C'est pourtant sur ce point que portent actuellement les réserves exprimées par de nombreuses voix tant de l'opposition que par de simples citoyens sur les réseaux sociaux. Celui-ci rappelle en effet les principes fondamentaux établis dans la Déclaration d'indépendance de l'Arménie de 1991 soulignant « le droit des nations à la libre autodétermination, sur la base de la décision sur la réunification de la RSS d'Arménie et du Haut-Karabakh ».

Beaucoup prêtent à Nikol Pashinyan l'idée de supprimer cette référence dans le texte de la nouvelle constitution, affichant ainsi la volonté de l'Arménie de ne nourrir aucun sentiment de revanche vis-à-vis de l'Azerbaïdjan. « Je n'exclus pas que la motivation de Pashinyan soit de montrer au monde que l'Arménie n'a pas d'intentions revanchardes » admet Daniel Ioannisyan, la source d'Azatutyun. « La diplomatie de Bakou tente activement de suivre cette ligne, en présentant comme tel l'Etat d'Arménie ». « Chaque fois que des changements seront proposés, nous en discuterons au Conseil, mais en tant que membre », ajoute-t-il, « le texte de la Constitution lui-même et savoir comment nous allons construire cet État sont pour moi des choses plus importantes que ce qui est écrit dans le préambule de la Constitution ».

 

Source Azatutyun