
Dépourvue de ressources gazières ou pertolières, l’Arménie a trouvé d'autres moyens de développer son économie. Le numérique s’est progressivement imposé comme un pilier stratégique de son développement économique, diplomatique et industriel, lui permettant d'atteindre de nouveaux sommets. Comment le numérique permet-il à l’Arménie de développer son économie ?
Par Zacharie Mauboussin
Des investissements publics et privés importants dans la transformation numérique.
L’État arménien a fait de la transformation numérique une priorité nationale. Avec ses partenaires, il investit massivement dans le développement du numérique auprès des entreprises arméniennes, et plus particulièrement des PME.
L'ouverture aux capitaux étrangers a également joué un rôle important dans le développement de ces technologies. À la suite de la pandémie de Covid-19, le FMI a débloqué 20 millions de dollars pour soutenir Team Telecom Armenia dans la modernisation des infrastructures de réseaux. L’Arménie mise également sur les infrastructures de nouvelle génération. En juin 2025, Firebird, une entreprise spécialisée dans l'intelligence artificielle, a annoncé un investissement historique de 500 millions de dollars pour construire le centre de données le plus puissant du Caucase. Ce projet, soutenu par le gouvernement arménien, s'appuie sur un partenariat stratégique avec NVIDIA, leader mondial des cartes graphiques.
Un écosystème dynamique
En 2025, le secteur employait plus de 45 000 personnes. Il représentait 4,5 % du PIB en 2022. Aujourd'hui, le numérique représente 2,6 milliards de dollars d'exportations.
« Le dynamisme de l'écosystème numérique arménien s'explique en partie par l'héritage soviétique en mathématiques. Sur cette base, la partie française, par l’intermédiaire de ses enseignants qui viennent régulièrement en mission, a développé les applications des mathématiques et de la statistique dans les domaines de l’informatique et de la science de gestion », raconte Aram Yesayan, responsable de la chaire de mathématiques à l'UFAR.
60 % des entreprises arméniennes prévoient d'investir dans le numérique au cours des deux prochaines années. Toutefois, l'écart avec les entreprises européennes reste significatif : 45 % d'entre elles utilisent le cloud, contre seulement 12 % en Arménie. Cet écart peut s'expliquer par un manque de formation et de capitaux.
Un paradoxe
L’écosystème numérique arménien présente un paradoxe. D'un côté, des entreprises telles que Krisp Technologies et PicsArt exportent leur technologie dans le monde entier. D'un autre côté, l'accès à Internet est limité : seuls 11 % de la population en dehors de la région d'Erevan ont accès à un Internet haut débit (supérieur à 100 Mbits/s). Ce manque d’infrastructures réseau constitue un frein majeur à la généralisation des usages numériques. À cela s'ajoute la pénurie de travailleurs qualifiés, qui représente un frein pour 25 % des entreprises.
L’éducation est un levier stratégique pour combler le fossé numérique.
Pour résoudre ce problème, l’État s’appuie sur un vaste réseau d’acteurs publics et privés pour former la jeunesse aux outils numériques. Les TUMO Center for Creative Technologies jouent un rôle central dans cette stratégie : ces centres proposent une formation gratuite aux jeunes dans les domaines clés du numérique.
La formation supérieure est également un axe important du développement numérique arménien. Depuis 2018, l'Université française en Arménie (UFAR) propose, en partenariat avec l'université de Toulouse, un bachelor spécialisé dans les technologies numériques. Cette formation met l’accent sur l’intelligence artificielle et la cybersécurité.
L’objectif est clair : former une nouvelle génération d’ingénieurs capable de répondre aux besoins croissants du marché et de renforcer la souveraineté technologique de l’Arménie.
Le rôle de la diaspora
La diaspora joue également un rôle important dans le développement du secteur numérique. La fondation FAST en est un exemple : fondée et financée par des Arméniens du monde entier, elle propose des formations aux outils numériques ainsi que des bourses d'études aux jeunes. L’écosystème entrepreneurial n’est pas en reste. On peut citer Rblox, une entreprise franco-arménienne qui propose aux entreprises un nouveau protocole d'échange de données plus sécurisé que les standards actuels.









