Piaf Symphonic : une harmonie envoûtante entre la France et l'Arménie

Arts et culture
16.05.2024

Un événement musical a ravi le public arménien le 8 mai dernier, en mêlant les classiques intemporels d'Édith Piaf interprétés par Nathalie Lermitte à la magie envoûtante de l'Orchestre philharmonique national d'Arménie.

Par Darya Jumel

 

Sous la direction artistique d'Eduard Topchjan, la voix unique de Nathalie Lermitte a donné une nouvelle vie aux chansons emblématiques de la Môme. Quelques minutes avant qu'elle n'entre en scène, l'artiste s'est confié au Courrier d'Erevan sur son lien particulier avec Edith Piaf.

 

Bonjour, Nathalie, tout d'abord, pourquoi avoir embrassé la carrière de chanteuse professionnelle ?

J'ai commencé à chanter à l'âge de 6 ans, dans mon petit village de Hautevesnes, dans les Hauts de France. Mon père avait un orchestre de variété, style rock, appelé "Les Sunshines". A chaque fois qu'il se produisait, je le suppliais de m´emmener avec lui. On a passé un marché, je devais être première à l'école, en échange, je pourrais venir chanter avec lui tous les weekends.

J'étais une enfant timide et solitaire. J'ai toujours eu du mal à exprimer mes douleurs ou mes colères. Alors, quand j'étais triste, je chantais en cherchant le son qui correspondait au chagrin que j'avais en moi. Cela a représenté quelque chose de très salvateur pour moi.

À l'âge de 15 ans, j'ai été repérée par Vline Buggy, une parolière célèbre auteur de grands titres de la variété française. C'est grace à elle que j'ai enregistré mon premier 45 tours, sous le label Polydor, intitulé "Il y a des jours comme ça".  Les deux chansons ont été composées par Julien Lepers. Puis en 1991, j'ai fait la rencontre de Michel Berger. Mon entrée dans "Starmania" a marqué un tournant dans ma carrière en me permettant de réaliser un double rêve : jouer un rôle et présenter mes propres chansons. C'est ainsi que j'ai aussi pris le chemin du théâtre.

 

Racontez-nous votre parcours musical en tant que comédienne et interprète des chansons d'Édith Piaf.

La première fois qu'on m'a proposé le rôle de Piaf, c'était en 1997. Dans un premier temps, j'ai refusé, je ne comprenais pas pourquoi le metteur en scène me disait sans cesse : « vous êtes Piaf ». Mais pour mille raisons un peu ésotériques, j'ai finalement accepté, et cela a changé ma vie. Ma première expérience significative dans ce rôle a été dans "Piaf je t'aime", une grande comédie musicale présentée à Paris avec une troupe de 25 personnes. Ce spectacle retraçait l'ensemble de la vie de la chanteuse, de sa naissance à sa mort. Après une pause de quelques années, j'ai repris du service pour "Piaf, une vie en rose et noir", dirigée par Rubia Matignon, en 2004. La pièce a parcouru le monde pendant toute une décennie, avec plus d'un millier de représentations, et a même été nominée aux Molières en 2006 dans la catégorie du "Meilleur spectacle musical". Ensuite, j'ai ressenti le besoin d'écrire ma propre pièce de théâtre sur Piaf où je pourrais exprimer tout mon respect et mon admiration pour elle. Cette pièce a connu un succès fulgurant pendant trois ans. Depuis 2018 jusqu'à aujourd'hui, je suis fière de tenir le rôle de chanteuse dans "Piaf le spectacle", une production dirigée de main de maître par Gil Marsalla.

 

Selon vous, pourquoi les personnes se déplacent-elles toujours nombreuses pour venir écouter Piaf Symphonic ?

Piaf est un emblème très français, incarnant plusieurs facettes. Dotée d'une intelligence remarquable dans son métier, elle a travaillé pour la postérité et ce qui demeure de son héritage sont sa voix et ses chansons, incroyablement populaires dans le sens le plus noble du terme. Ses mélodies traversent les générations, touchent nos mères, nos grands-mères… Au point que leur essence semble se transmettre dans l'ADN de nos enfants. De plus, Piaf représente un symbole selon lequel tout est possible : on peut naître dans la rue et atteindre les sommets. Dans nos périodes troublées, elle apporte de l'espoir. Elle est devenue un mythe.

 

Quelle chanson de Piaf affectionnez-vous particulièrement lors de vos interprétations ?

"Milord" !  C'est une poésie musicale des plus complexes à chanter. On pense que "Milord" est une valse légère, mais en réalité, c'est la chanson la plus triste du répertoire de Piaf. Cette femme qui fredonne ces paroles passe par toutes les émotions, du désespoir à l'espoir, au cynisme, à la joie. C'est un bonheur d'interpréter cette chanson.

 

Enfin, qu'aimeriez-vous transmettre au public arménien à travers votre performance ?

Piaf ne se contentait pas de vivre l'amour, elle le ressentait dans chaque fibre de son être. Pourtant, ses propres peurs d'abandon la poussaient parfois à partir avant d'être quittée. Malgré tout, elle n'a jamais perdu foi en l'amour et en ses possibilités infinies, comme en témoigne sa célèbre chanson "La vie en rose". Trouver la lumière même dans l'obscurité… C'est ce message que je souhaite transmettre au public arménien. Les mots en langue française ont une résonance particulière, chargée d'émotions intenses. Pour ce concert à Erevan, j'ai choisi de ne pas traduire les paroles et de laisser au public le plaisir d'entendre le son des mots. Un jour, un homme est venu me voir et m'a dit : « Madame, je n'ai rien compris à ce que vous avez chanté, mais mon cœur, lui, a tout compris ». C'est une histoire de deux heures que nous vivons ensemble, j'espère pouvoir rencontrer le public arménien après le concert.

Après sa représentation, Nathalie Lermitte s'envolera vers Singapour, guidée par le doux appel d'une nouvelle aventure musicale. Le bal de sa tournée se clôturera le 8 juin 2024.