Jean-Marc Lavest sur la baguette magique, l’investissement dans l’éducation arménienne et sur l’Université de 20 ans

Arménie francophone
17.06.2020

L’Université française en Arménie s’apprête à célébrer son 20ème anniversaire. Pr. Jean-Marc Lavest, recteur de l’UFAR, a accordé une interview au quotidien Aravot à cette belle occasion que nous vous présentons ci-dessous.

Par Gohar Hakobian

« 20 ans est un âge important pour une université. Depuis 2000, nous pouvons nous faire une idée du chemin parcouru par l'université, mais si l'on compare, par exemple, avec l'Université d'État d'Erevan, qui fête son 100e anniversaire, nous devons avouer que notre Université de 20 ans est tout de même très jeune. Lorsque l'Université française a été créée en Arménie, beaucoup n'auraient peut-être pas cru qu'elle deviendrait ce qu'elle est aujourd'hui. Le fait que l'Université française en Arménie joue maintenant un rôle important dans le système d'enseignement supérieur arménien montre que les fondateurs de l'Université, les professeurs anciens et actuels, le personnel administratif et les étudiants ont accompli un travail remarquable. Aujourd'hui, nous pouvons voir la somme de travail de tous ceux qui ont jeté les bases de l'université, la contribution qu'ils ont apportée.

Tout d'abord, je tiens à souligner le rôle de l'ancien ambassadeur de France en Arménie, Henry Cuny, le rôle du gouvernement arménien, qui à l'époque croyait en ce programme et qui, avec le gouvernement français, a pu fonder l'Université française en Arménie et toujours la soutenir.

Si je parle de notre université, je souhaiterais préciser qu'il s'agit en effet d'un effort conjoint des deux parties. En tant que recteur, je suis très fier de cette université, du succès de nos diplômés, du développement de l'Arménie avec la contribution de nos étudiants et de nos Alumni. C'est une université qui non seulement délivre des diplômes, mais qui aide aussi au développement de l'économie de l'Arménie et de divers domaines », a déclaré monsieur le recteur.

Le professeur Lavest a affirmé que grâce aux connaissances acquises à l'université, les étudiants trouvent des emplois qui contribuent au renforcement de l'Arménie. « Vingt ans, c'est aussi l'âge où l'on commence à réfléchir à la prochaine étape de la vie. Si j'avais une baguette magique, j'aimerais avoir une université fabuleuse avec de beaux bâtiments, mais j'aimerais surtout que cette université soit beaucoup plus ouverte à la communauté internationale. Mon souhait est que l'université continue à suivre les défis économiques de la République d'Arménie. Je suis convaincu que l'avenir de l'Arménie dépend de l'investissement dans le génie arménien, en utilisant le potentiel local. Avec de bons étudiants inscrits dans les meilleures universités, l'avenir de l'Arménie peut être très prometteur. J'aimerais revenir dans vingt ans et voir à quoi ressemble cette université », a déclaré le recteur de l'Université française en Arménie.

En ce qui concerne la formation d'une nouvelle culture sur le marché de l'éducation arménien, notre interlocuteur a noté que lorsque les gouvernements arménien et français ont décidé de coopérer il y a vingt ans, la force motrice était la présentation du système éducatif français et son introduction en Arménie. Jean-Marc Lavest estime que les étudiants qui étudient dans différentes universités ont des styles de travail différents et, selon lui, lorsque l'employeur rencontre des étudiants de l'Université américaine, russo-arménienne ou de l’Université d’État d’Erevan, il a une certaine idée du style de travail qui leur a été enseigné.

« Il est difficile d'étudier dans l'Université française en Arménie, cela demande beaucoup d'efforts et de travail. Pendant les quatre années d'études de licence, les étudiants se voient confier de nombreuses tâches ; tous les six mois, il y a une session d'examen assez compliquée. Tous ces éléments les aident à l'avenir à avoir un style de travail plus organisé, à analyser et à faire des synthèses, et lorsqu'ils arrivent sur le marché du travail, les diplômés de notre université se distinguent par leur style de travail différent de celui des diplômés des autres universités. Les étudiants plaisantent souvent en disant qu'ils ont réussi à sortir vivants de notre université. Ils y apprennent à travailler dur, ce qui finit par porter ses fruits. Oui, nos diplômés sont différents, mais en même temps je voudrais souligner qu'il y a encore beaucoup de grandes universités en Arménie, et notre université n'est pas la seule. Les employeurs sont intéressés par la possibilité de rencontrer des spécialistes ayant des styles de travail différents et qui ont étudié dans des universités différentes », a déclaré notre interlocuteur.

Il a noté que dans un avenir proche, il est prévu de mettre en place des programmes éducatifs dans le domaine du tourisme, car il existe effectivement une demande pour cette profession, et l'Arménie a un grand potentiel pour le développement de ce secteur. Au cours de la conversation, le recteur a également évoqué la nouvelle Faculté d'informatique et de mathématiques appliquées, en disant que l'Arménie, qui a des traditions mathématiques et scientifiques, devrait renforcer la sphère des technologies de l'information. « La France est aussi le berceau des mathématiciens. Nous voyons une harmonie que la France et l'Arménie peuvent se transmettre dans le domaine des mathématiques. Je pense que si nous ouvrons une faculté de mathématiques séparée, nous répondrons encore aux futurs besoins économiques de l'Arménie. Je terminerai de présenter ma vision de l'université par l'idée suivante : la chose la plus importante dans notre université n'est pas de donner un diplôme, mais de donner aux étudiants tout dont ils ont besoin pour avoir un emploi, trouver leur place dans la vie et devenir des citoyens responsables. Je pense que c'est l'idée qui devrait guider l'université ».

Nous avons demandé à Jean-Marc Lavest de se souvenir d'un épisode impressionnant de l'Université française en Arménie qui a eu lieu au cours de sa vie professionnelle. « Il y en a deux : l'un en avril 2016, l’épisode de la guerre des quatre jours, l'autre en 2018 – l’épisode de la révolution. Pourquoi ces deux épisodes ? Parce que, en tant que recteur, j'ai ressenti toute la force de mes étudiants. En quelques heures seulement, ils se sont mobilisés pour défendre leur patrie. Je me souviendrai de ces épisodes pour le reste de ma vie, même après avoir quitté l'Arménie. À cette époque, j'étais vraiment très inquiet pour mes étudiants, mais en même temps cela me rendait très fier », a conclu M. Lavest.