"L'Arménie est un pays où les autorités se mobilisent beaucoup en faveur de la langue française"

Arménie francophone
17.01.2022

Eric Poppe est un diplomate de carrière qui, après plusieurs années d’un brillant parcours qui l’a mené d’un continent à l’autre, a été nommé, en septembre 2020, Représentant de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour l’Europe centrale et orientale, avec résidence à Bucarest.  

Début décembre dernier, il se trouvait en Arménie pour accompagner une formation organisée par les soins de la Représentation de l’OIF pour l’Europe centrale et orientale, en coopération avec l’Union internationale de la Presse francophone et Le Courrier d’Erevan. Nous avons profité de sa présence pour lui poser quelques questions.

 

Monsieur Poppe, quelles sont les actions de l'OIF dans la région de l’Europe centrale et orientale et plus particulièrement en Arménie ?

Je voudrais d'abord rappeler la place qu’occupe l'Arménie au sein de la Francophonie et son parcours exemplaire à l'OIF. Membre observateur depuis 2004, elle en est devenue membre associé en 2008, et 4 ans plus tard, en 2012, membre de plein droit. Peu après, en octobre 2018, elle organisait le Sommet de la Francophonie à Erevan.   

L'Arménie est un pays où les autorités se mobilisent beaucoup en faveur de la langue française. Au niveau de la Représentation, nos axes d'intervention concernent plusieurs domaines, celui de la formation des professeurs de français que l'on appelle dans notre jargon le "français FLE" - le français langue étrangère, placé sous la responsabilité du Centre régional francophone pour l'Europe centrale et orientale, le CREFECO, situé à Sofia et qui dépend de la Représentation, et le soutien à l'extension des écoles qui dispensent des cours en français. Au démarrage de notre coopération, dans les années 2000, il y avait cinq écoles à français renforcé, aujourd'hui, il y en a 18.

Un deuxième volet concerne la formation à la langue française des diplomates et des fonctionnaires chargés des questions internationales, grâce à un programme quadriennal de l'OIF destiné à plusieurs Etats de la région. Ils peuvent bénéficier de ce programme quel que soit leur statut au sein de l’OIF (membre, membre associé ou observateur) et l’Arménie fait en l’occurrence partie des Etats qui participent à ce programme, ce qui est tout de même significatif. Ça n'aurait pas été possible sans le soutien des autorités arméniennes, très actives pour la francophonie, d'autant plus dans un environnement linguistique où l'anglais a le statut qu'on lui connaît et où l'intérêt pour la langue russe ne se dément pas.

Cette formation des diplomates et fonctionnaires est réalisée par le biais de l'Alliance française, mais elle n’est pas ici, en termes administratifs, "partenaire" du programme mais plutôt un prestataire, qui est rémunéré pour organiser les cours de français. L’OIF apporte 50 % des financements et l'Arménie également 50%, c'est elle qui choisit le prestataire, l'Alliance française en l'occurrence, puisque l'autonomie est laissée à l’Etat bénéficiaire.

 

Quels sont les autres domaines d’action de la Francophonie en Arménie ?

Nous souhaitons également apporter un soutien à l'Arménie dans les domaines de la démocratie et du renforcement de l’Etat de droit. Il est encore ponctuel pour l'instant et nous voudrions le rendre plus pérenne. Ainsi, une mission de l'OIF s'est déplacée en Arménie le 20 juin dernier pour les élections. Nous sommes à la disposition des autorités arméniennes, si elles le souhaitent, pour apporter une expertise dans tel ou tel autre domaine qui reste encore à définir précisément, en coopération avec elles bien entendu.

Un autre domaine de cette coopération, développé plus directement par la Représentation, et c'est la raison de ma présence ici, est le soutien aux médias. L'idée est de poursuivre, à travers cette initiative, notre soutien à la liberté de la presse, au pluralisme des médias et à la formation des journalistes que nous menons depuis plusieurs années. Je pense qu'il est important de mener des actions particulières de ce type au niveau de la région de l’Europe centrale et orientale, dans certains domaines très spécifiques, nos budgets restant modestes. Nous avons donc organisé cette formation au journalisme entrepreneurial en collaboration très active avec l'Union de la presse internationale francophone et le Courrier d'Erevan. Elle doit permettre donner les clefs à des journalistes ou des étudiants en journalisme qui le souhaitent pour créer leur propre média. S'il peut être francophone c'est formidable, mais l'essentiel reste de monter et faire vivre un média de qualité dans ce pays, en français, en arménien ou dans une autre langue.

 

Pourrait-on en savoir un peu plus à propos de vos rencontres officielles ici en Arménie ?

J'ai saisi l'occasion de cette formation au journalisme entrepreneurial pour organiser une mission de contact en Arménie afin de rencontrer à la fois nos partenaires francophones et les autorités du pays. Classiquement, lorsque je me déplace dans un pays, je rencontre les autorités du ministère des affaires étrangères, de l'éducation, des partenaires tels que l'Association des professeurs de français ou l'Union internationale de la presse francophone, dont la section ici est très active, et bien sûr, les députés de la section arménienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Ça permet de couvrir un champ vaste et divers, à la fois dans le domaine politique et de la coopération. J'ai eu la chance de rencontrer ici le Ministre adjoint aux Affaires étrangères, le Ministre adjoint à l'Education ainsi qu'une délégation de députés membres de la section arménienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Au cours de ces entretiens, nous avons fait le point sur la coopération et avons envisagé des pistes pour son renforcement. Dans le domaine de l'éducation, c'est assez évident que nous devons poursuivre la formation des professeurs et continuer à soutenir les écoles de français renforcé. J'ai eu le privilège d'accompagner la Secrétaire générale de la Francophonie lors de sa visite en Arménie début octobre, il est ressorti des entretiens avec le Président de la République et le premier Ministre, que la jeunesse était vraiment au centre des préoccupations. Je dis souvent que si l'on n'apprend pas à la jeunesse à parler le français, en une génération, le français peut disparaître dans un pays. Il est absolument essentiel dans nos actions de pouvoir cibler la jeunesse et c'est très clairement ce que nous allons faire dans les prochains mois.

 

L'Arménie est toujours présidente du Sommet de la Francophonie, est-ce que cela a permis de développer des projets qui ont vu le jour lors du Sommet en 2018 ?

La présidence est une formidable opportunité d’attirer l’attention sur un pays en particulier et cela peut en effet aller de pair, dans certains cas, avec un renforcement des actions de coopération avec ce pays. Ce qui est clair, c’est que la présidence de l'Arménie du Sommet de la Francophonie renforce encore l'aura de l'Arménie au sein de l’Organisation. Nous sommes dans un cas unique : les pays qui ont présidé le Sommet ne l'ont fait que pendant 2 ans, ici on est déjà à plus de 3 et l'on va vers une présidence de 4 ans puisque le prochain Sommet qui aurait dû avoir lieu en novembre 2020 ne se tiendra finalement qu’en novembre 2022. Cela lui confère évidemment un charisme renforcé par le fait également que les autorités arméniennes, quelles qu'elles soient, ont toujours soutenu la promotion du français. Il est évident que sans un intérêt réel des autorités d'un pays pour la promotion du français, il est très difficile de mettre en place des programmes et des projets.

 

Peut-on s'attendre à une nouvelle visite prochainement ?

Plus que probablement, puisque la Représentation va certainement soutenir un projet de festival de théâtre francophone, dont on m’a parlé lors de mon séjour. Je me déplacerai en Arménie à cette occasion, et il y en aura probablement d'autres car la Secrétaire générale de la Francophonie souhaite renforcer les actions de coopération avec l’Arménie, notamment dans les domaines du développement économique et de la jeunesse.