La bande dessinée va un jour connaître son âge d’or en Arménie

Arts et culture
13.02.2021

La bande dessinée, qui se nomme également le « neuvième art », est une union spécifique de l’image et du récit. Le mot qui a été créé pour désigner cet art en arménien, « patkerapatoum », exprime très clairement l’essence de cette jonction : « image-récit ».

Par Lusiné Abgarian

Constituée de plusieurs séquences, la bande dessinée articule autour de l’image, accompagnée de fragments de texte, souvent des dialogues. « Je considère la bande dessinée comme une sorte d’art intellectuel », - dit Lilit Manaryan, une artiste arménienne de la bande dessinée, car pour elle, la complexité de cet art réside dans le fait, qu’outre les images, le sujet doit être captivant. Tigran Mangassaryan, l’un des premiers artistes de ce domaine, ajoute que le neuvième art se réfère plutôt à la littérature qu’à la peinture.

L’histoire de la bande dessinée en Arménie commence d’ailleurs avec Tigran Mangassaryan à l’aube des années 90, directement après la chute de l’URSS.

C’est uniquement en 2010-2011 que l’Arménie a accueilli un premier festival de la bande dessinée auquel ont participé les artistes arméniens pour suivre aussi des ateliers donnés par les stars de la bande dessinée française. Certains travaux, dont aussi ceux de Lilit et de Tigran, ont eu l’honneur d’être présentés dans l’un des centres de la bande dessinée en Europe, à Angoulême, en France. C’est, d’ailleurs, l’ex-maire d’Angoulême, qui a largement contribué au développement de la bande dessinée arménienne.

Promouvoir et valoriser l’art de la bande dessinée en Arménie : voici le motif qui réunit les deux artistes, Tigran et Lilit, parmi d’autres. Lilit est d’ailleurs tombée amoureuse de l’art de la bande dessinée grâcee à l’œuvre de Tigran Mangassarian, le premier journal de la bande dessinée en Arménie, intitulé « Hopop ». Ayant fait connaissance aussi avec les bandes dessinées américaines, russes et arméniennes, Lilit plonge dans ce monde avec ses premiers dessins d’enfance : « Je divisais la feuille en plusieurs cubes, et je commençais à dessiner. Maintenant je comprends, que les enfants aiment bien des séries, des histoires qui continuent, des personnages qui deviennent chers. Les personnages des contes de mon père s’incarnaient aussi dans mes bandes dessinées et vivaient, chaque jour, une nouvelle aventure. Vous pouvez rencontrer la plupart d’entre-eux dans le livre « Felo et le Train des Fous » (« Ֆելոն և Խելառների Գնացքը ») » :


Lilit Manaryan

Les sujets qui sont traités dans les œuvres de ces deux artistes sont très divers. Tigran, qui a fait ses débuts dans ce domaine avec des œuvres pour enfants, s’est ensuite tourné vers des sujets dramatiques, dont aussi, celui du génocide des Arméniens. La bande dessinée récente, « ZAKO Fruit vert » (« Զակո․ խակ պտուղ »), parle de l’itinéraire de son père qui a survécu aux six camps de concentration dans sa vie.


Tigrane Mangasaryan

Lilit, elle, préfère plutôt créer autour des sujets qui concernent la jeunesse et les problèmes de l’actualité. Sa dernière bande dessinée portait sur un jeune garçon, Argam, qui vit dans le village Voskepar, dans une zone géographiquement complexe sur le plan des voisins, et étudie la robotique, la danse, et d’autres choses intéressantes sous les coups de feu réguliers. Il espère contribuer au développement de son petit village. Prochainement, Lilit envisage de réaliser un nouveau projet de la bande dessinée, où chacun pourra retrouver... soi-même.

Les deux artistes trouvent, que malgré le fait, que la bande dessinée en Arménie n’intéresse particulièrement que les jeunes, ce neuvième art aura un avenir dans ce pays, car, comme le remarque Tigran, « à nos jours, la réception de l’information par le biais de l’image est plus rapide et facile ». L’avenir de cet art est garanti par les artistes qui ont non seulement un style et des sujets originaux allant « de la science-fiction à l'ultra minimalisme, mais une solide main professionnelle », - dit Lilit à propos de ces collègues. Ce qui l’inquiète, par contre, c’est la morosité des sujets abordés, ce qui est une réponse à la réalité, soit des motifs dépressifs qui sont à la mode en occident.

Elle remarque également que les problèmes et les joies d’une personne érudite en Arménie sont beaucoup plus intéressants et variés que ce qui est représenté dans l’art en général : « Nous manquons de couleurs et de compositions de bon goût dans nos bandes dessinées, c’est pourquoi nous devons peindre encore et encore, afin de ne pas imiter, mais au contraire, créer de nouveaux styles arméniens qui seront reconnus », - conclut-elle.