Le Mouvement et les lumières d’Artsakh

Diasporas
07.10.2021

"Artsakhian Louyser" ou "Lumières d’Artsakh" est le nom d'un centre de loisirs éphémère monté l'été dernier à l’école 119 "Benjamin Jamkotchian", au profit d'enfants Kharabatsi déplacés d’Artsakh à Erevan ou dans les régions voisines.

Par Aurélia Bessède - Photos de Paty Tanielyan

Pour mener à bien cette expérience d’animation unique et originale, Hovhannes Karapetyan, directeur de l'établissement scolaire et initiateur du projet a fait appel aux bénévoles de Charjoum, un collectif de jeunes militants arméniens nés en diaspora qui s'est fixé pour objectif de promouvoir les luttes d'émancipation.

Charjoum est un mouvement, comme son nom l'indique en arménien, « pas une association, ni un parti politique », dit son manifeste, « fondé sur la volonté de défendre des idées, de lutter, à travers les principes de justice, de dignité, d’égalité et de liberté contre ceux qui veulent détruire le peuple arménien par les armes ou en s’en prenant à sa culture ». Charjoum se revendique holacratique, autonome et responsable, «sans chef ni président à sa tête, uniquement déterminée par la concertation de ses militants et non par des rapports de force ».

La rencontre avec le directeur de l'école 119 s'est faite au cours de la guerre de novembre 2020. Hovhannes Karapetyan avait proposé de mettre le gymnase de l'école 119 à disposition des ONG afin qu'elles y entreposent l’aide humanitaire et les dons collectés. À force de navettes quotidiennes pendant plus d'un mois, carton par carton, les jeunes volontaires de Charjoum sont parvenus à entreposer 20 tonnes de vivre et de matériel à destination des populations du Karabakh. Leur engagement et leur dynamisme n'a pas échappé au directeur de l'école qui a fini par leur parler de son projet : offrir l'été suivant, aux enfants déplacés, de vraies vacances et tout un programme d'animation.


© Paty Tanielyan

Le centre aéré ouvre ses portes en août dernier. Une centaine d'enfants passés par de dures épreuves et souvent dans le besoin s'y retrouvent pour vivre une expérience collective et pédagogique dans un cadre ludique et réconfortant.

Chacun dans sa spécialité, pâtissier, chanteur, comédien, danseur ou peintre, les bénévoles de Charjoum en charge des animations s’appliquent à développer les capacités physiques et cognitives des enfants à travers des conversations thématiques, des jeux, des ateliers d'art ou de rattrapage scolaire, Ils les accompagnent aussi lors des excursions vers les lieux emblématiques de l’Arménie, de Noravank à Dilidjan, Areni, ou Gumri, à bord du train express, à Erevan Park ou encore Oskahan, là où est enterré Mesrop Mashtots, dans le marz d’Aragston. Et puis, ils organisent ensemble le spectacle de fin de vacances… toujours un grand moment pour tous les enfants du monde. Pour les jeunes volontaires aussi. Au programme, des chants traditionnels, des danses folkloriques Kotchari et des performances musicales…

« Le camp touche à sa fin, mais cela aura été un mois extraordinaire aux côtés des enfants », s'enchante Gerham Zaroukian. «Toujours contents, polis, serviables, volontaires. Ce fut un réel plaisir de les accompagner à l’école ainsi qu’en excursion. Je ne parle pas arménien mais c’était relativement facile de communiquer avec eux car ils étaient tous très avenants. C’est émouvant de voir ces enfants rester positifs malgré la situation dans laquelle ils se trouvent avec leur famille. Nous avons partagé des moments uniques, et j’espère que cela se renouvellera dans les mois et les années à venir ».

Le camp d'été "Lumières d’Artsakh" s'est révélée une initiative impactante entre des enfants arméniens du pays et des jeunes de la diaspora. Elle laissera une empreinte indélébile dans les mémoires de tous, enfants comme bénévoles, une occasion unique d’échange et de transmission. Azade Donoguian explique : « Ce camp a réuni des Arméniens d’Arménie, de France, d’Artsakh, et de toutes les générations…  Après cette guerre notre peuple a vraiment besoin de renforcer le lien avec la diaspora. C’est ce que cette aventure a permis. Les enfants, eux, avaient besoin de sortir leur esprit de la guerre, c’est primordial pour leur construction. Ces derniers mois ont évidemment été très violents. Nous voulions leur apporter de la légèreté et des moments de bonheur. Ces moments partagés avec eux sont infiniment précieux. Ils sont vraiment les lumières d’Artsakh, et l’avenir de l’Arménie. »

© Paty Tanielyan
© Paty Tanielyan

Paty Tanielyan a tiré de cette expérience toute une série de clichés. Des portraits d'enfant, la plupart monochromes, tendres et touchants. La jeune photographe raconte : « j'ai suivi le merveilleux travail effectué par Charjoum avec 100 enfants réfugiés de la guerre d'Artsakh. Le projet Lumières d’Artsakh est certainement l’une des initiatives les plus utiles, directes et marquantes auxquelles j’ai assisté depuis mon arrivée en Arménie en Novembre 2020. Grâce à l'engagement de cette incroyable équipe, les artistes et nombreux intervenants qui ont donné de leur temps, ces enfants ont eu l'occasion de passer un été dans un havre de paix après l'enfer de cet hiver. Je m’amusais régulièrement à leur laisser mon appareil photo pour qu’ils expriment leur créativité, et quelle créativité ! Être témoin de leur joie n’avait pas de prix ».

Le travail de Paty a été exposé fin septembre au centre arménien du Yan’s Club dans le XIV arrondissement de Paris.