Ter Petrosyan : « restaurer l'honneur de notre peuple »

Opinions
05.04.2023

Dans l'après-midi du 4 avril, Levon Ter Petrosyan, premier président de la République arménienne a publié un appel indigné repris par la plupart des médias et réseaux sociaux du pays. Il réclame la destitution d'Alen Simonyan de ses fonctions de président de l'Assemblée nationale.

 

Le 2 avril non loin de Cascade, l'altercation, d'abord verbale, provoquée par un jeune rapatrié arménien canadien - membre de l'ARF – à l'encontre du président de l'Assemblée nationale, a donné lieu à une réponse pour le moins inattendue de la part d'un homme politique exerçant de telles fonctions, celles de troisième personnage de l'État.

Les interventions du premier président de la IIIe République d'Arménie, Levon Ter Petrosian, sont rares et s'il sort de son habituelle réserve, l'heure est toujours grave.

Nous reproduisons ci-après l'intégralité de sa lettre aux médias.

 

« Une honte nationale

Peu importe combien j'essayais de me retenir, je ne pouvais toujours pas m'empêcher de penser à l'incident dégoûtant qui s'était produit il y a deux jours...

Lorsqu'un jeune homme a vu le président de l'Assemblée nationale de la République d'Arménie, Alen Simonyan, entouré de gardes du corps dans la rue, il l'a traité à haute voix de "traître". Simonyan, brisant calmement la chaîne des gardes du corps, s'est approché du jeune homme à "pas tranquilles" et lui a craché au visage, ce qu'il a d'ailleurs fièrement confirmé dans ses explications après l'incident.

Le mot crachat (sauf dans le domaine de la médecine) est vulgaire en lui-même et tout à fait méprisable lorsqu'il est utilisé, même dans les disputes les plus privées. Mais quand ça sort de la bouche d'un des plus hauts responsables de l'État, surtout quand ça se transforme en action concrète, c'est déjà la fin de l'État.

Quant au mot traître, il ne s'agit pas d'un juron domestique ou d'une insulte personnelle, mais d'une appréciation purement politique, à laquelle il convient de répondre non pas par des propos vulgaires ou des crachats, mais par une réponse correcte et raisonnable, d'autant plus que les autorités disposent de moyens illimités d'information et de publicité.

Il n'y a jamais eu dans le monde un dirigeant d'un État plus ou moins démocratique qui n'ait été qualifié de traître par ses adversaires politiques. Je me souviens qu'à un moment donné de leur carrière, pour aussi surprenant que cela puisse paraître, même des présidents américains parmi les plus remarquables ont été déclarés traîtres par leurs adversaires politiques. Roosevelt pour avoir cédé des pays d'Europe de l'Est à l'Union soviétique, Truman pour ne pas avoir empêché la Chine de devenir communiste et Clinton pour avoir affaibli la puissance militaire de son pays en raison de la réconciliation avec la Russie. Aucun d'entre eux n'a craché au visage de ceux qui les ont qualifiés de traîtres, mais personnellement ou par l'intermédiaire de leurs partisans, ils ont répliqué à toutes ces accusations avec des arguments valables.

Revenons-en maintenant à l'acte impardonnable de l'infâme Alen Simonyan, le chef de la seule instance dotée du mandat principal de l'Arménie. Soit dit en passant, impardonnable n'est pas qu'un mot dans ce cas, mais sous celui-ci, on suppose que l'Assemblée nationale, et, tout d'abord, sa faction "Contrat civil", afin de ne pas perdre son crédit devant le peuple , est obligé d'engager la procédure de licenciement d'Alen Simonyan. Je n'exagère pas du tout, son action est le plus grand dommage causé au crédit de notre État, qui ne peut être éliminé qu'au prix de sa destitution. C'est le seul moyen de restaurer l'honneur de notre peuple devant la communauté internationale.

J'appelle tous les médias à diffuser cet article, et à toute notre société, forces politiques, à se joindre à cette initiative, et pas du tout par des événements de masse, des manifestations, des marches, mais par des moyens purement légaux.»