À la découverte de l’Arménie, pays des Lada, des monastères et des merveilles de la nature

Opinions
27.02.2020

L’Arménie est une destination à laquelle on ne pense jamais! Pays oublié, il est coincé entre des géants: Géorgie, Turquie, Iran et Azerbaïdjan. Toute sa riche histoire a été éclipsée par le génocide perpétré au début du XXe siècle dont les Arméniens parlent peu et qui suscite encore beaucoup de chagrin. Pour des vacances à la plage, allez voir ailleurs, mais pour un voyage inoubliable qui vous donnera la chair de poule, c’est un super filon!

Par Camille Van Puymbroeck, pour Metrotime

Au bord de l’abîme

L’été arménien est impitoyable et, pour fuir la canicule, j’emporte tente et sacs à dos dans le Dilijan National Park pour un trekking de deux jours. Je me sens minuscule dans ce monde régi par des aigles majestueux et des rochers gigantesques. À la fin de la journée, je plante ma tente à quelques mètres d’une impressionnante paroi rocheuse. Quelques minutes plus tard, le silence est troublé par l’arrivée d’une Lada. Avec de nombreux gestes, ils me font comprendre que je peux dormir chez eux et avec de nombreux gestes j’essaie de décliner gentiment leur invitation. Ils repartent dans leur Lada après avoir tenté pendant une heure de me convaincre et après m’avoir offert des fruits sucrés et de mignons bonbons. Ils dorment dans des huttes en pierre recouvertes de tôles ondulées, mais à leurs yeux je suis bien plus mal  lotie qu’eux !

Un sacrifice pré-chrétien

Le lien entre l’Arménie et le christianisme remonte à plus de dix-sept siècles. La foi joue néanmoins encore toujours un rôle important dans le pays, pas uniquement pour les croyants, mais aussi pour le tourisme. Les nombreux monastères perchés au sommet d’un rocher ou nichés au fin fond d’une vallée constituent indubitablement des attractions nationales. Ne vous attendez pas à des édifices richement ornés ou gothiques: tout comme l’Église apostolique arménienne, les monastères et les églises ont subi les outrages du temps.

Mais ne vous y trompez pas, les édifices religieux sont encore fréquentés tous les jours ! Comme en témoignent les images pieuses, les crucifix lugubres et les miniatures de monastères qui sont laissés par les croyants dans des niches. Un spectacle qui peut donner la chair de poule à un étranger. Mais l’Arménie a aussi connu le paganisme et le « matagh » – le sacrifice rituel d’un animal mâle devant une église –  en est un des tout derniers vestiges. Quand je franchis le ixième seuil souillé de sang d’un monastère, je ne peux m’empêcher de regarder derrière moi. On ne sait jamais !

Des vestiges soviétiques

L’histoire de l’Arménie compte de très nombreux chapitres. Celui de l’occupation soviétique a probablement laissé le plus de traces. Des stations-services au style ampoulé où on ne trouve plus la moindre goutte d’essence depuis des années, des voies de chemin de fer à perte de vue qui ne se rappellent plus de quand date leur dernier train de passagers, des immeubles en béton qui ont l’air de vouloir jouer au plus fort avec les montagnes aux alentours. Bref, l’URSS a laissé des traces. Des souvenirs d’une époque où l’Arménie était plus riche, mais aussi plus soumise. Tout n’est pas noir et tout n’est pas blanc. Tout comme les restes physiques, l’héritage émotionnel est recouvert d’une brume de nuances de gris. Pourtant, je m’arrête à chaque fois devant ces impressionnants édifices.

Des pétroglyphes divins

Une après-midi ensoleillée, un monstrueux 4×4 et une conversation avec mon hôte, il n’en faut pas plus pour me convaincre d’aller visiter Oughtasar. Le site des pétroglyphes est protégé par l’Unesco et se situe dans le cratère d’un volcan éteint. Il y a plus de 10.000 ans, les ancêtres semi-nomades des Arméniens se rassemblaient ici pour faire paître leurs troupeaux et s’adonner à la gravure sur les parois rocheuses. Et même si je me demande pourquoi ils se donnaient tant de peine pour venir jusque-là, en même temps je ne les comprends que trop bien !

Le paysage environnant ferait douter de lui le peintre le plus talentueux. Peut-être que les Grecs anciens avaient tort et que l’Olympe ne se trouvait absolument pas en Grèce, mais en Arménie. Il n’y a plus de trace des dieux aujourd’hui, ils ont été remplacés par les ours. Des traces fraîches témoignent de leur présence et me placent devant un dilemme. J’aimerais beaucoup en voir, mais mon sens des responsabilités n’est pas du tout d’accord. Quand je regarde autour de moi, mes doutes fondent comme neige au soleil. Il y a de pires endroits pour mourir !

Le vide

L’Arménie n’est pas plus grande que la Belgique, mais les vastes plaines et les paysages à l’infini donnent l’impression que vous vous retrouvez sans le savoir dans un no man’s land interminable. Les maisons dispersées presque au hasard et les câbles électriques qui ne fonctionnent plus depuis des lustres contribuent aussi à cette impression d’isolement.

C’est la nature qui a toujours le dernier mot ici, mais en même temps la civilisation y fait petit à petit son entrée. Un cowboy avec un iPhone flambant neuf qui surveille ses chevaux avec insouciance me semble en être la métaphore parfaite pour l’Arménie. La vie n’est clairement pas facile ici, mais le mystère est omniprésent. « Emmenez-moi au bout de la terre. Emmenez-moi au pays des merveilles », chantait Charles Aznavour qui était d’origine arménienne. S’il existe un pays des merveilles, il se situe indubitablement en Arménie !