Vardan Goukassian, maire de Gyumri, est détenu, depuis le lundi 20 octobre, par la police arménienne. Officiellement motivée par des soupçons de corruption, son arrestation s’inscrit dans la longue séquence de tensions entre le gouvernement de Nikol Pachinian et l’opposition.
Par Elie Guetchrian et Marius Heinisch
Une arrestation houleuse
La rapidité avec laquelle se sont enchaînés les événements menant à l’arrestation, lundi 20 octobre, du maire de Gyumri Vardan Goukassian, n’a laissé aucun temps à ses soutiens pour s’y opposer. A peine la décision de son arrestation émise par le Comité Anti-corruption dans la matinée, les forces de police ont occupé le hall d’entrée de la mairie, interdisant toute entrée ou sortie aux personnels municipaux. Bientôt rejoints par un contingent de forces spéciales, ils ont contenu sans ménagement un rassemblement spontané, opposé à l’arrestation. Durant plusieurs heures, forces de l’ordre et manifestants se sont bousculées, parfois brutalement, sur le parvis de la mairie, conduisant à l’arrestation de plusieurs individus pour “participation à des désordres de masse.”
Vardan Goukassian s’est rendu à la police en début d’après-midi, assurant n’avoir “rien fait de mal.” Il a été transféré à Erevan pour interrogatoire. Il est en effet accusé, avec sept autres, d’avoir perçu différents versements occultes, en échange d’un permis de construire illégal pour un bâtiment de la ville. Le Comité Anti-corruption affirme avoir rassemblé, au terme d’une longue investigation, des indices graves et concordants, au sujet notamment d’un versement de plus de quatre millions de drams (environ 10 000 euros), et de plusieurs autres actes délictueux (pots-de-vin, espionnages).
Un maire encombrant
Figure majeure de la vie politique à Gyumri, la seconde ville d’Arménie, dont il a été maire de 1999 à 2012, puis à nouveau depuis 2025, Vardan Goukassian ne cache rien de son hostilité au Premier Ministre Nikol Pachinian. Il soutient publiquement Robert Kotcharian, ancien Premier Ministre aujourd’hui figure d’opposition, et regrette le refroidissement des relations entre Erevan et Moscou. M. Goukassian avait à cet égard évoqué, après sa réélection en 2025, son souhait d’une union d’Etats avec la Russie, sur le modèle russo-biélorusse. Il faisait par ailleurs déjà l’objet d’une poursuite au pénal pour “extorsion” au sein du parti Public Voice, qu’il a fondé en 2022 avant de s’en faire exclure.
Pour Maître Aramayis Hayrapetyan, avocat de M. Goukassian interrogé par la presse, l’arrestation de son client est sans conteste “une mise en scène orchestrée par le parti au pouvoir.” A l’approche des élections législatives de juin 2026, la vie politique arménienne approfondit ses lignes de fracture.
